A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, la directrice régionale de l’ONUSIDA basée à Dakar, Berthilde Gahongayire a tenu ce matin une conférence de presse par visioconférence.
A ses côtés des leaders d’associations de jeunesse qui sont au premier front dans la lutte contre cette maladie.
Ces associations de jeunes vivant avec le VIH étaient à l’honneur. On notait la présence de plusieurs de leurs représentants. Il s’agit en l’occurrence de Rodrigue KOFFI, Coordinateur du Réseau Grandir Ensemble (Côte d’Ivoire), de Fatoumata KONTAO, P.E de l’association Arcad Santé Plus (Mali), de Patrick Alain FOUDA, Président du Réseau Camerounais des Adolescents et Jeunes vivant avec le VIH (RéCAJ+) et enfin Marie Chantal AWOULBE, Directrice des Programmes, au Réseau Camerounais des Adolescents et Jeunes vivant avec le VIH (RéCAJ+).
Étaient également présents Mireille Trible, point focal UNICEF/VIH, N’dongou Sala représentant de l’OMS pour l’Afrique, Dr Geres Ahognon, Directeur Exécutif du Réseau EVA ainsi que des conseillers et autres experts de l’ONUSIDA.
Une cinquantaine de journalistes issus d’une vingtaine de pays du continent, la plupart appartenant au Réseau des Médias Africains pour la Santé et l’Environnement (REMAPSEN) ont pris part à cette conférence de presse.
Focus sur le Sida pédiatrique
A l’ordre du jour, le Sida pédiatrique, un volet qui passe jusque-là comme le parent pauvre de la lutte contre cette maladie.
D’emblée la directrice régionale de l’ONUSIDA a rappelé l’importance de cette journée ainsi que l’objectif final de son organisation qui est de mettre fin au Sida à l’horizon 2030.
Elle a affirmé que le VIH pédiatrique est présentement l’un des plus grands chantiers de l’ONUSIDA d’où la nécessité de sensibiliser les populations et les donateurs.
L’objectif de la conférence de presse a-t-elle ajouté est de permettre aux journalistes d’interagir avec les jeunes porte-paroles des porteurs du VIH.
« Nous avons tendance à parler pour les jeunes mais aujourd’hui nous allons leur donner la parole », a lancé Berthilde Gahongayire.
Intervenant tour à tour les invités vedettes du jour ont tous souligné la nécessité de repenser la réponse apportée aux jeunes porteurs du VIH.
35% seulement des jeunes affectés ont accès au traitement en AOC, le taux le plus bas du monde
Pour Rodrigue koffi il convient de faire un focus dans les années qui viennent sur le VIH pédiatrique car dit-il il y a beaucoup d’inégalités à corriger absolument. Ainsi par exemple sur 1,7 millions d’adolescents atteints en Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), seuls 35% ont accès au traitement.
Rodrigue a également relevé les inégalités dans les modèles de soins et de prise en charge avec des disparités énormes entre les différentes provinces. Il y a aussi la limitation des options de financement qui profitent essentiellement au volet de la prévention au détriment des autres besoins de prise en charge de l’enfant.
Abondant dans le même sens, Fatoumata KONTAO a souligné que les ¾ des nouvelles infections concernent les jeunes filles. Cela est dit-elle dû au manque d’éducation et de considération. Ainsi, du fait de leur vulnérabilité, elles sont beaucoup plus exposées au VIH. Par ailleurs a-t-elle noté, le système de prise en charge n’est pas adapté car il ne prend pas en compte leur spécificité.
Pour Patrick Alain FOUDA les principes GIPA élaborés par l’ONUSIDA ne sont pas bien appliqués concernant les jeunes qui sont sous-représentés. Pour lui il y a la nécessité de mettre sur pied des initiatives centrées sur les adolescents et les jeunes. De son point de vue en tant que premiers concernés, ils doivent être impliqués. Ils doivent aussi dit-il bénéficier de l’apport financier pour mener à bien leurs initiatives et développer leurs capacités. On doit leur donner l’opportunité de montrer ce dont ils sont capables conclut-il.
Pour sa part Marie Chantal AWOULBE estime que la prévention marche bien mais au détriment de la prise en charge qui doit être améliorée selon elle.
Nécessité de réviser les modèles de soins
Dans leurs échanges avec les journalistes, les jeunes sont revenus sur des questions portant sur les inégalités, les financements, la stigmatisation, les relations avec l’Etat et les partenaires étrangers…
Dans leurs réponses ils préconisent la révision des modèles de soins en tenant compte de l’âge des patients.
S’agissant de la stigmatisation, elle existe même dans les centres de santé et de la part du personnel de santé. L’exemple de cette jeune femme sur le lit d’accouchement qui est délaissé par le gynéco et ses assistants est édifiant à ce sujet ; exemple relaté par Fatoumata.
Patrick Fouda pointe du doigt le contexte socioculturel dans son pays qui est très discriminant et bloque l’engagement des jeunes. Selon lui, le VIH pédiatrique est le reflet de tout ce que la société veut cacher. Il expose les familles et le gouvernement. Donc les goulots sont nombreux et il faut une participation structurée pour impliquer les jeunes, note-t-il. Et Patrick d’ajouter que les partenaires ont toujours été les plus réceptifs aux doléances des jeunes et c’est regrettable, juge-t-il. En guise d’illustration il a donné l’exemple de « L’Alliance globale pour l’élimination du VIH chez l’enfant et l’adolescent » où il avait fallut que les partenaires s’y engagent pour que l’Etat se décide à traiter avec les jeunes.
La relation avec l’Etat est bonne mais tumultueuse par moments dit Patrick car « On dit des choses qui dérangent mais qui sont importantes. Les beaux discours et les belles stratégies du gouvernement doivent être suivis d’effet ».
Le Sida pédiatrique différent de la PTME
En réponse à certaines interrogations soulevées par les journalistes, la directrice régionale de l’ONUSIDA a reconnu que pendant longtemps son organisation avait inclus le Sida pédiatrique dans la PTME. Mais ces dernières années, il s’est avéré que ce sont deux choses différentes. Ainsi la couverture PTME est plutôt satisfaisante contrairement au Sida pédiatrique où la prise en charge ne dépasse pas 35%, soit le taux le plus faible du monde.
De ce fait affirme la directrice l’appui et l’amélioration de la prise en charge pédiatrique devient une priorité pour la région. Même si elle déplore qu’il n’ a pas beaucoup d’associations qui travaillent sur cette problématique. L’ONUSIDA encourage tous les pays à booster cette question et ce en les appuyant à dresser des plans d’action.
Importance de la prévention primaire et du rôle des médias
De son côté, Mireille Trible affirme que l’UNICEF joue un rôle primordial pour l’élimination du Sida pédiatrique. Elle a insisté sur l’importance de la prévention primaire et le rôle des médias. On entend plus parler du VIH dans la région, déplore Mireille. Pourtant dit-elle l’UNICEF a organisé il y a quelques semaines un atelier destiné aux journalistes. Ce thème ne doit pas être oublié même si dit-elle il y a une forte concurrence avec la Covid et d’autres maladies. Pour Mireille, il est super important que les journalistes soient associés à la lutte contre le Sida.
Le taux de couverture est inacceptable, poursuit-elle car il y a un problème d’identification des enfants exposés et de leur statut.
Et pourtant il existe une plateforme de diagnostic infantile qui utilise des machines spécialisées pour dépister et avoir les résultats en un temps record (moins d’une heure) et ainsi aider à sauver des enfants en les mettant sous traitement immédiat. Le taux de couverture au niveau de cette plateforme est de 25%. C’est encore très faible et pourtant ce diagnostic précoce est disponible, note Mireille.
L’élimination de la transmission Mère-Enfant est possible
Et c’est dans cet ordre d’idées que le Dr Mamadou Sakho de l’ONUSIDA encourage les jeunes filles à aller dans les services pour rencontrer les points focaux de l’UNICEF et de l’ONUSIDA. Il invite dans la foulée les associations de jeunes à élargir le plaidoyer et faire en sorte que les enfants de 5 ans soient pris en compte.
Selon le Dr Sakho, les moyens techniques ne sont pas toujours bien fabriqués et les formulations pédiatriques ne sont pas toujours disponibles et tout cela doit être porté à la connaissance des gouvernements.
Et pour lui, il est bien possible d’éliminer la transmission Mère-Enfant. « Il suffit d’y mettre les moyens ».
Cette conférence de presse a permis aux journalistes d’être édifiés sur les grands défis de la lutte contre le Sida pédiatrique, un gros morceau sur lequel vont se concentrer dorénavant les interventions de l’ONUSIDA, des gouvernements de la région et des autres acteurs de la lutte contre cette maladie.
Bakari Gueye