Éditorial:L’enseignant, le parent pauvre du système éducatif mauritanien

A l’occasion de la Journée Mondiale des Enseignants célébrée aujourd’hui et du lancement effectif du projet d’école républicaine, il convient de se demander quel est le sort réservé à l’enseignant qui est la pierre angulaire du système éducatif.

En Mauritanie où la grille des salaires n’a pas connu une réelle évolution parallèlement aux poussées inflationnistes et à la hausse constante du coût de la vie, les enseignants malgré le fait qu’ils s’occupent des tâches les plus ingrates sont très mal lotis.

C’est ainsi que dans le meilleur des cas le salaire atteint à peine ou dépasse à peine les 10.000 MRU selon que l’on soit instituteur ou professeur du secondaire. C’est dire que tous les enseignants tirent le diable par la queue et sont préoccupés au premier chef par l’instinct de survie plutôt que par la lourde responsabilité qui leur est confiée à savoir dispenser les enseignements adéquats et former les générations futures.

Il s’agit en réalité là de vœux pieux car les conditions sont loin d’être réunies pour l’atteinte de ces nobles objectifs.

Comment dans ce cas de figure parler d’école républicaine dès lors que le maillon principal, l’enseignant est laissé en rade et perçu par la société comme un vulgaire desesperados ?

En effet notre système éducatif a atteint un niveau de décrépitude tel qu’une refonte totale s’impose loin des querelles de chapelle et des calculs politiciens. La dégradation est telle qu’on en arrive à confondre élèves et enseignants, tellement les niveaux ont atteint des seuils critiques, de part et d’autre.

L’enseignant n’est donc plus ce qu’il était. C’est-à-dire ce personnage charismatique détenant le savoir et surtout les techniques pour le transmettre. Avant le coup d’état de 1978, une circulaire de la Présidence plaçait l’instituteur au 2ème rang après le Hakem, sur le plan protocolaire.

C’était donc un personnage de premier plan contrairement à aujourd’hui où il est perçu comme un souffre-douleur par une société foncièrement matérialiste.

S’il est vrai que ces dernières années son traitement salarial a connu une certaine amélioration du fait notamment de la majoration de certaines primes, son net à payer reste très en deçà de ses besoins les plus élémentaires et très loin derrière une kyrielle de fonctionnaires de son rang sensés opérer au niveau central et dont la plupart sont promus par complaisance et sont gracieusement payés pour ne rien faire. Voilà qui attise les frustrations des enseignants de terrain dont les élans et la motivation sont coupés nets par plein de pratiques déloyales et injustes.

Aujourd’hui, en Mauritanie, la trajectoire professionnelle d’un enseignant n’obéit à aucun plan de carrière. Les avancements et les promotions obéissent le plus souvent à des critères purement subjectifs. C’est ainsi qu’un sortant de l’Ecole Normale peut se voir promu dès sa première année de fonction au moment où la plupart des enseignants atteignent l’âge de la retraite sans jamais pouvoir bénéficier de la moindre promotion.

Le danger de ce système clientéliste est d’avoir coopté des nullités à tous les niveaux de la pyramide. C’est dire que le ver est dans le fruit et il convient d’agir concrètement pour redresser la barre.

Ce n’est donc pas un hasard si aujourd’hui on frise la démission collective. La plupart des enseignants n’ont plus le cœur à l’ouvrage et sont accaparés par les aléas de la vie quotidienne. Ils sont tous inscrits au système D. On les retrouve partout, dans les écoles privées, dans la presse, dans les marchés comme vendeurs ambulants, vendeurs de cartes de crédits, au marché du bétail comme courtiers, chauffeurs de taxis et même dans le bâtiment comme maçons…

Pour mettre fin à cette situation fort compromettante pour la réussite de l’école républicaine, le gouvernement doit s’atteler sérieusement et urgemment à la mise sur pied d’un plan Marshall au profit de l’enseignant qui doit bénéficier d’un traitement à la hauteur de sa mission et de conditions de vie décentes. En plus de cela la gouvernance du système éducatif doit être mise aux normes. Le système de gestion doit être revu de A à Z.

Ce plan pourrait être pris en compte dans le prochain projet de budget. Il pourrait supplanter le projet de revalorisation de la fonction enseignante qui s’est avéré n’être qu’une coquille vide.

Bakari Gueye  

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