Près de trente ans après que le pays se soit jeté dans les bras des institutions financières de Bretton Woods avec toutes les conséquences sociales inhérentes à l’application des remèdes de cheval préconisés par le FMI et la Banque Mondiale, le gouvernement actuel fait appel à la même recette et aux mêmes méthodes appliquées à l’époque par le régime de Ould Taya.
En relisant l’un de mes articles publiés le 20 octobre 1992, dans l’édition 73 de l’hebdomadaire indépendant « Mauritanie Demain », je me suis rendu compte que les vieilles recettes ont toujours pignon sur rue en 2021.
En effet le comité ministériel chargé de se pencher sur la récente hausse des prix a annoncé une batterie de mesures qui ressemblent à s’y méprendre à celles annoncées en 1992 qui avaient montré leurs limites.
En octobre 1992, de violentes manifestations contre la hausse des prix avaient secoué la capitale Nouakchott, des manifs qui avaient été violemment réprimées par les forces de sécurité.
L’article en question est intitulé « Le bâton à outrance ». En voici la teneur : « L’entrée en vigueur des accords avec le FMI, avec à la clef une dévaluation substantielle de l’Ouguiya, qui s’est traduite immédiatement par une hausse vertigineuse des prix, ne s’est pas faîte dans la stabilité, un mot très cher au président Taya.
Elle a donné lieu à des manifestations spontanées durement réprimées par un pouvoir éternellement hanté par le spectre de la déstabilisation.
Il faut reconnaître que la pilule est amère et par conséquent difficile à avaler pour la majorité des citoyens au pouvoir d’achat insignifiant.
La conférence de presse tenue à cette occasion par les responsables concernés et destinée à expliquer la teneur des accords avec le FMI et la Banque Mondiale, a été très peu convaincante.
C’était plutôt une occasion pour ces hauts responsables de faire l’apologie des institutions de Bretton Woods considérées comme étant les seules capables de faire notre bonheur.
Ainsi les 750 millions d’ouguiyas mis à la disposition de la Mauritanie devraient permettre de rétablir les grands équilibres et assurer une croissance de 3,5%. En gros une conférence de presse très politisée, visant surtout à défendre un choix qui est loin d’être au dessus de tout soupçon. Même si au fond, tout le monde sait qu’il n’en restait pas d’autres.
Nous avons donc été vendus aux institutions financières internationales et il va falloir attacher la ceinture et compter sur soi-même pour arriver à survivre. C’est en effet se moquer des citoyens que de parler d’un quelconque contrôle des prix car, en fait, l’Etat en décrétant la liberté des prix n’est plus maître du jeu et ne peut plus se permettre quoique ce soit. Qu’on ne s’y trompe donc pas, ce Comité de Surveillance des Marchés qui a tenu sa réunion constitutive ce lundi 05 octobre sous l’égide du Premier Ministre n’est qu’un leurre destiné à amortir la colère populaire.
Il en est de même des points de vente de la Sonimex censés approvisionner les citoyens à des prix homologués. En effet la Sonimex et ce n’est un secret pour personne a perdu il y a belle lurette le monopole de fait des produits de base qui étaient sa chasse gardée. Par ailleurs, ses stocks ne permettront pas de soutenir une opération d’une telle envergure. Donc cette initiative ne fera pas long feu.
Il y a aussi cette hypothétique hausse des salaires proposée par le ministre des finances qui, et c’est très important, s’est abstenu de préciser dans quelles proportions elle sera. Et à entendre sa déclaration du reste très floue, on ne peut que s’interroger sur l’efficacité d’une telle mesure.
Face à cette situation très grave il faut le reconnaitre, les mauritaniens ne savent même plus à quel saint se vouer.
Le pouvoir quant à lui reste égal à lui-même. L’insécurité règne aux frontières du pays, la crise économique, tout ça ajouté aux dernières mesures impopulaires (dévaluation de l’Ouguiya, hausse des prix) donnent du fil à retordre à un pouvoir qui n’a que le bâton pour imposer sa politique au grand dam d’une constitution qu’il a lui-même confectionné et fait approuvé.
Cette réalité, les manifestants du 04 octobre en ont fait l’amère expérience. Les forces de l’ordre éternellement sur le qui-vive intervinrent énergiquement pour réprimer ces « bandits » et autres « pillards » pour reprendre une terminologie chère aux idéologues du 12/12. »
Bakari Guèye