En Mauritanie 9089 personnes vivent avec le VIH. L’épidémie du Sida est de type concentré.
Le taux de prévalence est inférieur à 1% mais il est élevé chez les populations clés comme cela a été démontré par deux études bio-comportementales menées en 2014 et 2019. En 2014 chez les trois groupes à risque les taux étaient de 3% chez les prisonniers, de 9% chez les professionnels du sexe et de 44% chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).
En 2019 les taux étaient de 9% chez les professionnels du sexe et de 23,4% chez les HSH.
Ainsi, malgré la faiblesse du taux de prévalence en Mauritanie, le risque de diffusion de la maladie reste important selon le Dr Moustapha, Représentant de l’ONUSIDA en Mauritanie.
Détermination et engagement des volontaires de SOS-PE
Et pour faire face à cette situation toujours préoccupante, le gouvernement et les organisations de la Société Civile poursuivent la lutte avec l’intensification de la sensibilisation et l’adoption de certains mécanismes ayant trait à la prévention, au traitement et à la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes atteintes.
Parmi les organisations les plus engagées dans cette lutte contre l’expansion de la pandémie SOS Pairs Éducateurs (SOS PE) constituée au départ de jeunes volontaires issues du quartier périphérique d’El Mina (Nouakchott Sud) est reconnue par son engagement, son expertise avérée et sa longue expérience.
Son président Sy Djibril nous confie : « Depuis notre création, SOS Pairs Educateurs a évolué grâce à un engagement constant pour lutter contre le VIH/SIDA en Mauritanie. Notre expertise s’appuie sur 24 ans d’existence sur le terrain des volontaires et une équipe dévouée et une approche basée sur les pairs, ce qui nous permet d’atteindre efficacement les communautés affectées et de travailler sur des solutions adaptées à leurs besoins spécifiques.»
L’ONG adopte un mode opératoire original et efficace comme le souligne son président : « SOS Pairs Educateurs entretient des liens étroits avec des associations, ONG et organisations communautaires, collaborant étroitement pour mettre en œuvre des projets communs et renforcer leurs capacités d’intervention auprès des populations vulnérables. Au cours des trois dernières années, avec le soutien d’Expertise France, nous avons renforcé les capacités d’une dizaine d’ONG. Cette démarche se poursuivra dans les trois années à venir, en finançant ces ONG et en étendant le renforcement à 10 nouvelles organisations. Notre spécificité réside dans une approche de proximité avec les communautés : nous formons des éducateurs issus des groupes que nous aidons, créant ainsi une relation de confiance et une compréhension approfondie des défis des populations clés. Nos initiatives se concentrent sur l’éducation, la prévention, le soutien psychosocial et l’accès aux soins. »
Une stratégie alliant proximité et efficacité
Cette stratégie basée sur un travail minutieux de proximité porte bien ses fruits et, selon Mr Sy : « En 2023, l’impact de SOS Pairs Educateurs dans la lutte contre le VIH et l’hépatite en Mauritanie a été significatif. Depuis janvier, grâce à nos relais communautaires, 72 nouveaux cas de personnes vivant avec le VIH ont été identifiés, dont 38 ont déjà été intégrés dans des programmes de soins.
En parallèle, dans notre lutte contre l’hépatite, soutenue par la Fondation Espagnole ManosUnidas et l’Institut National d’Hépato-Virologie, 924 personnes ont été dépistées pour le VHB. Sur ces dernières, 133 se sont avérées positives. Nous avons vacciné 751 personnes testées négatives contre le VHB et 27 personnes positives sont maintenant suivies par l’INHV. Ces actions ont grandement contribué à l’amélioration de la sensibilisation, de la prévention et du dépistage, tout en réduisant la stigmatisation et en facilitant l’accès aux traitements, renforçant ainsi notre rôle essentiel dans la lutte contre ces pandémies en Mauritanie. »
Ainsi, SOS PE offre aux malades des formes d’assistance variées.
« En 2023, note Mr Sy, nos unités de santé à Nouakchott, Nouadhibou et Rosso offrent une assistance, incluant le dépistage du VIH, VHB et de la syphilis. En cas de résultat positif, les patients sont intégrés les structures de prise en charge, recevant un traitement immédiat pour la syphilis par nos professionnels de santé. Au-delà des soins médicaux, SOS PE fournit un soutien psychologique et social essentiel, comprenant l’aide à l’adhésion au traitement antirétroviral et un accompagnement continu.
Pour l’hépatite B, SOS PE participe à la prise en charge des indigents testéspositives notamment le cout de la charge virale ce qui constitue parfois un obstacle à la prise en charge complète et gratuite des porteurs du virus par l’état mauritanien. En 2023 et 2024, SOS PE prévois de supporter 1800 personnes testées positives au VHB.
Dans le contexte de l’initiative de prise en charge universelle de la santé en Mauritanie, SOS PE envisage d’intégrer à travers ses projets 1000 personnes parmi les populations clés, PVVIH, les indigents et autres groupes vulnérables dans ce système, renforçant ainsi notre engagement envers la santé et le bien-être des communautés que nous servons.
Dans la région de Trarza, SOS Pairs Educateurs, avec le soutien d’Expertise France et en collaboration avec l’ONG Santé Sud, met en place une clinique mobile. Ce projet vise à amener les services de santé directement aux villages éloignés et isolés, qui manquent de moyens de déplacement. Cette initiative facilitera l’accès aux soins médicaux pour les communautés les plus difficiles à atteindre, témoignant de notre engagement à fournir des services de santé accessibles et efficaces.»
Le secret de ce grand succès de l’ONG s’explique entre autres par le tissu relationnel exemplaire avec les patients.
En effet, note le président de l’ONG : « Chez SOS Pairs Educateurs, nous cultivons des relations fondées sur le respect, la confidentialité et l’empathie. Nous collaborons étroitement avec les bénéficiaires pour concevoir des programmes répondant précisément à leurs besoins. Dans un souci d’efficacité et de confiance, notre recrutement privilégie, lorsque possible, des candidats issus des communautés servies et possédant les compétences requises, renforçant ainsi notre engagement envers une approche communautaire et inclusive. »
Expansion du champ d’action de SOS-PE
Avec les succès notables engrangés au fil des ans, SOS PE a considérablement élargi son champ d’action et sa zone d’activités. Et comme en témoigne son président : « En 2023, SOS Pairs Educateurs a significativement élargi son champ d’action au-delà de la zone initiale d’El Mina, s’étendant à diverses régions pour mieux servir les populations les plus vulnérables et marginalisées. Actuellement, nous opérons avec des projets et personnels dans trois régions majeures de la Mauritanie : Nouakchott (couvrant les neuf communes), Dakhlet Nouadhibou (incluant Nouadhibou et Chami), ainsi que Trarza (Ndiago et la Mougataa de Rosso), et Barakna (Boghé). Grâce au soutien d’Expertise France, nous prévoyons d’étendre encore nos interventions au début de 2024, en intégrant les régions de TirisZemour, Guidimakha, les deux Hodh, Gorgol, et Assaba. Cette expansion témoigne de notre engagement continu à atteindre et soutenir efficacement les communautés les plus affectées. »
Parlant des moyens et défis en vue Mr Sy Djibril affirme :
« Nos moyens sont souvent limités par les ressources financières, mais notre passion et notre engagement comblent bien des lacunes. Les défis incluent la mobilisation de fonds, la logistique sur le terrain, et l’adaptation aux changements socio-politiques.»
Mais quoiqu’il en soit l’ONG a fait des miracles et est devenue un cas d’école faisant le bonheur de ses membres et autres bénéficiaires de ses précieuses prestations.
Des témoins s’expriment
Aliou Mohamed qui est agent communautaire du quartier de Lekreiga El Mina témoigne : « L’intégration à SOS PE a apporté des changements positifs dans ma vie. Le soutien que je donne et reçois m’ouvre de nouvelles perspectives, tant pour moi que pour ma communauté. »
Autre témoignage de ce bénéficiaire habitant à l’intérieur du pays : « Vivant dans un village isolé à 30 km de Ndiago, une nuit, ma femme enceinte de 9 mois a ressenti des douleurs. J’ai immédiatement compris qu’elle était en train d’accoucher. Sans moyen de transport, j’ai contacté le relais communautaire de SOS PE de notre village. En seulement 30 minutes, leur clinique mobile était là pour prendre en charge ma femme. Ils l’ont emmenée au centre de santé de Ndiago où elle a accouché en toute sécurité. Je n’oublierai jamais l’aide précieuse qu’ils ont apporté cette nuit-là. »
Ainsi malgré des moyens limités SOS PE sort nettement du lot et arrive à rendre de précieux services aux personnes vivant avec le VIH.
Bakari Gueye/Source : WERGU YARAM, Le Magazine de l’ONUSIDA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre/Numéro 01 Décembre 2023