Quand le Président Mohamed Ould Abdel Aziz annonce les réformes qui doivent fonder à ses yeux un ordre nouveau, il ne pense pas un instant que la plus grande résistance viendra de son camp.
Le 3 mai 2016, Néma grouille de monde et tous les hauts responsables ont voulu donner la preuve de leur allégeance et de leur engagement en sonnant le tocsin du rassemblement.
Pourtant, les premières réformes n’interviendront effectivement qu’avec le référendum du 5 août 2017. Quinze mois après l’annonce.
A cause des manifestations hostiles au projet ? des activistes ? des menaces que cela pourrait faire peser ? de l’Opposition ? que nenni ! Juste parce que ceux qui devaient les mettre en œuvre ont travaillé pour les faire échouer, au moins les retarder et les rendre coûteuses dans l’espoir de les rendre impossibles.
Ce sont bien les tergiversations au sein de la Majorité et les hostilités déclarées en son sein qui allaient donner la radicalisation qui a abouti au vote du Sénat et au blocage qui s’en est suivi.
Ce sont les expressions multiples, parfois de l’incompétence parfois de la mauvaise foi de certains hauts responsables, qui ont produit l’atmosphère qui a accompagné un moment qui aurait dû être «historique» et qu’on a finalement cherché à dépasser le plus rapidement possible. Sans en tirer les leçons évidentes et instructives.
Et vogue la pirogue…
Quand, bien après, la leçon a été tirée au moins pour le parti Union pour la République (UPR), le Président a tout de suite engagé un processus de réforme. Désignant une commission ad hoc qu’il a chargée de faire l’état des lieux et d’apporter les correctifs nécessaires à une redynamisation effective afin de permettre au parti de faire face aux échéances futures. L’objectif étant de créer un parti «réel» qui a son discours, son programme, son projet de société, ses militants, ses cadres, ses sources de financement, ses structures légitimes, son personnel dévoué… un Parti qui peut survivre à un homme, à une époque.
Pas le Parti du peuple mauritanien (PPM) qui n’a pas survécu au pouvoir qu’il servait. Pas le Parti républicain, démocratique et social (PRDS) qui a disparu avec «son» régime. Pas Adil, déserté dès la chute de ses promoteurs.
Encore une fois, la volonté du Chef pour plus de réformes aura été sabotée. Parce que le personnel chargé de mettre en œuvre le processus de redynamisation et de normalisation du parti s’est plus occupé de se faire la guerre. Les égos surdimensionnés ont donné des ambitions incongrues. Alors que la compétence et l’intelligence pour réaliser ces folles ambitions n’était pas au rendez-vous.
Cela a donné la radicalisation dans les positionnements sociaux et cet engouement incontrôlé et suspect qui a accompagné l’adhésion puis l’implantation.
Si bien que le processus est aujourd’hui dans l’impasse.
Arrêter l’opération à ce niveau, équivaut à déclarer la faillite du système politique en place. Parce que le parti au pouvoir aura été incapable de mener jusqu’au bout une opération qu’il déclarait lui-même «vitale» et «nécessaire». La responsabilité dans ce qu’il advient aujourd’hui est clairement située. Elle est à chercher du côté de hauts responsables qui veulent, chacun, faire main basse sur l’Appareil. Comme si l’objectif était de sortir «champion» en se faisant des muscles sur le dos du système qu’on torpille.
Continuer l’opération pour désigner (ou élire) les instances, c’est construire sur le faux. Ce qui a été obtenu par tel ou tel camp, dans tel ou tel lieu, ne reflète pas forcément le poids du parti. Prenons un exemple : Arafat, département Nouakchott Sud et fief jusque-là des islamistes de Tawassoul.
A Arafat, la campagne d’implantation a abouti à la mise en place de 565 cellules de base, soit 27.250 adhérents effectifs. Il faut savoir qu’aux dernières élections municipales, l’UPR a obtenu 3524 voix au premier tour d’un total de 20106 votants. Que durant le référendum d’août 2017, grand rendez-vous pourtant, il n’y a eu que 14.746 votants sur un total de 43.601 inscrits, soit un taux de participation de 33,82%.
Et, plus significatif, l’UPR a obtenu sur la Liste de Nouakchott aux Législatives de 2013, un total de 16.840 voix soit 15,20%.
A vous de juger du crédit qu’il va falloir donner à cette campagne d’adhésion…
Une campagne qui a absorbé les énergies et les attentions. Faisant oublier le renouveau du discours politiques et la préparation des échéances électorales qui arrivent.
Qui va en payer le prix ?
MFO (La Tribune N°755 du 29 mai 2018)