Par Bakari Gueye
Le non respect des panneaux et des feux de signalisation, l’intrusion anarchique des poids lourds, des tuks-tuks, des motocyclettes, des charrettes et autres pousse-pousse, l’occupation de la chaussée par les vendeurs ambulants, la présence des mendiants et des laveurs de pare-brises dans les principaux carrefours du centre-ville, des routes exigus par endroits, tout cela ajouté à l’indiscipline caractérisé des conducteurs, une indiscipline qui prend ses racines dans des mentalités d’un autre âge, tel est le cocktail explosif qui sous-tend la circulation routière à Nouakchott, avec ses embouteillages monstres qui donnent le tournis à la police chargée de réguler tout cela mais qui, malgré les énormes efforts déployés a toujours du mal à venir à bout de ce capharnaüm.
En effet, au niveau de la Direction de la Sécurité Routière, on nous assure que tous les moyens sont mis en œuvre pour assurer la fluidité du trafic au niveau de la capitale.
Sur le plan juridique, trois lois principales régissent le droit de la circulation. Ce sont: l’Ordonnance N° 47-2006 ; Son Décret d’application N° 006-2007 et le Décret complémentaire N° 44-2017.
Des comportements à combattre
A en croire les responsables de la police nationale chargée de veiller à la fluidité du trafic, le comportement néfaste du citoyen constitue un frein majeur et c’est surtout sur ce point qu’il conviendrait d’agir davantage pour changer les mauvaises habitudes en matière de conduite et de non respect des règles les plus élémentaires du code de la route.
Bien vrai que certains quartiers de la capitale connaissent des embouteillages monstres particulièrement aux heures de pointe à cause de travaux sur certains axes routiers comme par exemple au niveau du Carrefour Hay Saken et du carrefour Madrid.
En janvier dernier, une commission ministérielle s’était penchée sur les causes des embouteillages dans la circulation à Nouakchott.
Cette réunion a été consacrée à l’examen des principales causes de ces embouteillages et la commission a donné des instructions afin de limiter ce phénomène et à faciliter la fluidité de la circulation au niveau de la capitale.
Au niveau du gouvernement on note l’importance accordée, à la sécurité routière et aux réalisations accomplies en ce sens, telles que l’amélioration de la qualité des routes, l’installation de feux de signalisation horizontaux et verticaux, ainsi que les textes juridiques qui ont permis la réduction des accidents de la circulation.
Mais l’instauration d’une culture de la sécurité routière est une nécessité et constitue le meilleur gage pour lutter contre les accidents de la circulation, car 70 % d’entre eux sont causés par les erreurs des conducteurs, qu’il s’agisse d’excès de vitesse ou d’autres préoccupations inutiles, tandis que 20 % sont dus à la sécurité des véhicules et 10 % à l’état des routes, selon l’Autorité de Régulation du Transport Routier.
Donc, jusque-là les efforts entrepris par les autorités pour régler le problème n’ont pas eu de suite favorable.
La densité de la circulation est particulièrement forte dans le centre-ville dans la wilaya de Nouakchott Ouest où la forte présence au niveau des carrefours de voitures légères, de poids lourds, mais aussi, de charrettes et de pousse- pousse, créant d’inextricables bouchons.
Et c’est un calvaire que vivent, au quotidien, les populations de la capitale.
Le regroupement de tous les centres d’intérêt dans un périmètre très réduit est pour beaucoup dans cette situation.
De ce fait, la crise de la circulation routière à Nouakchott est devenue un phénomène structurel.Et la question se pose de savoir qui est responsable de ce qui se passe dans les rues de Nouakchott et jusqu’à quand la loi va-t-elle continuer à être appliquée à tort et à travers ?
Pour ce professeur d’université, la circulation automobile dans notre pays et particulièrement à Nouakchott pose d’énormes problèmes et cela va de mal en pis, regrette-t-il.
Pour lui, ce phénomène a pris une telle ampleur que continuer à se réfugier dans un silence coupable, c’est porter une lourde responsabilité vis-à-vis de soi-même et de la société.
Et pour expliquer, ce qu’il qualifie de graves dysfonctionnements de la circulation automobile dans notre pays et sur ses conséquences néfastes tous azimuts, le professeur note : « D’abord, le point primordial qu’est la réglementation de la circulation relève des pouvoirs publics. Or, chacun sait combien sont nombreuses les lacunes dont souffre depuis de nombreuses années le secteur du transport et en particulier la circulation automobile.
Au commencement, il y a la livraison des permis de conduire qui se fait dans beaucoup de cas de façon laxiste : le népotisme et la corruption sont passés par là . Combien de jeunes conducteurs/conductrices (parfois mineurs) qui ne se sont jamais présentés à l’examen de passation du permis de conduire ? Cela se remarque aisément quand ils sont au volant ou font des manœuvres (marche arrière, stationnement dans un créneau, etc.).
En second lieu, citons le nombre de voitures qui portent soit une immatriculation étrangère soit ne portent même pas une plaque minéralogique ! Dans le dernier cas, leurs vitres sont teintées et leur nombre s’accroît de jour en jour. Leurs conducteurs sont reconnaissables à leur excès de vitesse et à leur mépris des règles du code de la route et sont responsables dans la plupart des cas des accidents. C’est ici le règne de la ‘gazra’ ou l’impunité totale !
En troisième lieu, intéressons-nous aux agents chargés de l’application sur le terrain des règles de la bonne conduite automobile. A ce sujet, il est hors de question de comparer la Mauritanie avec les autres pays tant au niveau des infrastructures (autoroutes, routes spacieuses, routes sans nids de poule ou crevasses, etc.) que des moyens matériels et humains (formation, permis à points, radars, etc.).
Mais il y a un minimum qui doit à nos yeux être respecté dans la mesure où tout un Corps a été dédié à cette tâche, à savoir la sécurité routière…
En quatrième lieu, interrogeons-nous sur les responsables de la gestion des accidents. A cause de la négligence et du mépris manifeste des règles du code de la route, les accidents sont de plus en plus fréquents : peu nombreuses sont les voitures qui ne sont pas cabossées et rares sont les jours où on ne signale pas d’accidents corporels ou matériels.
Or, la gestion de ces accidents par le commissariat chargé de la Voie publique est un vrai parcours du combattant : retards dans l’intervention sur le lieu de l’accident (et au prix de combien d’efforts ?), rédaction du PV du constat (qui pourrait prendre quelques mois !) sans parler des atermoiements et manœuvres dilatoires des sociétés d’assurance.
Ensuite, le second point de cette question a trait à la responsabilité des citoyens.
La première remarque qui s’impose est que la plupart de nos concitoyens conduisent leurs voitures comme s’il s’agissait de chevaux ou de chameaux sinon des bœufs ou des ânes.
En effet, rares parmi eux sont ceux qui respectent réellement les règles du code de la route : arrêt aux feux rouges, respect de la priorité, utilisation des signaux de la voiture, respect des signalisations routières, sans parler des marques d’inattention (parler au téléphone, ‘regarder à gauche et à droite’, défaut du port de la ceinture, etc).
Au contraire, chacun se croit seul sur la route et se croit tout permis ; le stationnement abusif est une autre histoire et là ce sont les chauffeurs de taxi qui en sont les champions (ils refusent souvent de libérer la chaussée même s’ils ont de l’espace pour gagner une petite minute).
D’ailleurs, qui ose distinguer un taxi d’une autre voiture (point de plaque, de numéro ni couleur distinctive) ?
Enfin, la combinaison de tous ces facteurs fait que la circulation automobile en Mauritanie et particulièrement à Nouakchott est un véritable chaos. »Donc, conclut le professeur : « Afin que nous ayons une circulation automobile normale, il est nécessaire que chaque acteur, joue sa partition ; c’est une responsabilité collective qui requiert la conjugaison des efforts à la fois des pouvoirs publics et de la société. Dans l’intérêt de tous, il est impératif que les choses changent ; sensibiliser, éduquer, prévenir, réprimer sont les maîtres mots pour toute action dans ce sens. Le respect du code de la route est avant tout un acte de civisme, de citoyenneté et de développement. Qu’on se le dise. »
Pour cet autre citoyen : « Nous avons besoin d’une révolution de la conscience collective. Imaginez une capitale où chaque citoyen deviendrait un ambassadeur de la sécurité routière. Où les campagnes de sensibilisation ne seraient pas que des affiches oubliées sur un panneau d’affichage, mais des mouvements viraux portés par chaque habitant, jeune et vieux.
Les autorités doivent intensifier leur jeu. Les infrastructures peuvent être améliorées, les lois peuvent être renforcées et appliquées sans indulgence. Les caméras de surveillance ne doivent pas seulement servir à enregistrer les infractions, mais à prévenir les comportements dangereux avant qu’ils ne deviennent des accidents.
La mise en place d’un système de transport public robuste et digne de ce nom peut diminuer drastiquement le nombre de véhicules personnels et, par conséquent, les infractions. Des bus modernes, des trams silencieux parcourant la ville, ne serait-ce pas une vision revitalisante pour Nouakchott ?
Il est temps aussi de réguler sérieusement les véhicules commerciaux : que les tuk-tuks et les taxis « tout droit » répondent à des normes de sécurité rigides et que leur maintenance soit régulière et obligatoire. Que le terme « contrôle technique » ne soit plus juste une formalité mais une garantie de sécurité. »
En effet, rien qu’en 2022, selon les statistiques communiquées par le ministère des transports, 89% des accidents matériels impliquaient un tuk-tuk.
Le point de vue de la police
Les responsables de la police chargés d’assurer la sécurité routière interrogés dans le cadre de ce reportage ont mis en exergue les efforts déployés par l’Etat pour veiller à la sécurité des usagers et à la fluidité du trafic routier notamment à l’intérieur de la capitale.
Selon Abdallahi Ahmed Moubareck, Commissaire Divisionnaire et Directeur de la Circulation et de la Sécurité Routière, le rôle de la police est d’assurer la fluidité de la circulation. Cela entre dans le cadre de sa mission et cela passe à travers l’application de la loi en relevant les infractions et en appliquant le code de la route et les sanctions prévues par la loi.
Le non respect des feux de signalisation, la circulation en sens interdit, le non respect de la priorité, le doublement à droite, les stationnement abusifs, les changements de couloirs intempestifs, le changement brusque de direction sans clignoter, le téléphone au volant et l’état du parc automobile sont des infractions qui sont monnaie courante.
Le tableau suivant émanant du Commissariat de la Sécurité Routière donne une idée sur l’état des accidents, des infractions et des amendes engrangés au cours des derniers mois (Voir tableau ci-contre) :
SITUATION DES ACCIDENTS DE CIRCULATIONS POUR LES MOIS DE JUILLET ET AOUT 2024
Accidents avec dégâts matériels | Accidents corporel | Accidents avec blessures involontaires | Homicide involontaires | Total des accidents |
07 | 02 | 22 | 05 | 36 |
SITUATION DES AMANDES POUR LES MOIS JUILLET ET AOUT 2024
DRS/ NDB | DRS/ ALEG | DRS/ROSSO | DRS/ZRTE | DRS/SUD | DRS/NORD | DRS/OUEST | CIE INTERVENTION | TOTAL |
197.200 | 63.400 | 41.600 | 129.400 | 338.200 | 451.600 | 376.200 | 112.400 | 1.710.000 MRU |
SITUATION DES INFRACTIONS POUR LES MOIS DE JUILLET ET AOUT 2024
DRS/ NDB | DRS/ ALEG | DRS/ROSSO | DRS/ZRTE | DRS/SUD | DRS/NORD | DRS/OUEST | CIE INTERVENTION | TOTAL |
561 | 247 | 113 | 157 | 2522 | 3551 | 1109 | 224 | 8.484 |
S’agissant des problèmes rencontrés par la police pour assurer une meilleure organisation du trafic, le responsable précité insiste sur le manque de coopération du citoyen. Une prise de conscience de ce dernier est souhaitée car il ne mesure pas les dangers et ne comprend toujours pas qu’il est en ville. Ainsi poursuit-il le citoyen refuse d’accepter ou de comprendre la sanction au moment où la police est obligée d’appliquer la loi.
Le Commissaire cite pêle-mêle le fait de brûler les feux de signalisation, l’absence de salubrité publique, l’anarchie dans l’immatriculation des véhicules, le manque de signalisation horizontale et verticale, l’anarchie dans les transports publics, la croissance exponentielle du nombre de véhicules, l’absence de parkings réglementées…Ce sont là autant d’obstacles qui contribuent à la complication du problème de la circulation routière à Nouakchott.
Et pourtant avec l’existence d’une ordonnance et de 2 décrets d’application, l’arsenal juridique existe pour dissuader les récalcitrants.
Dans le cadre des mesures dissuasives utilisées pour garantir le respect de la réglementation routière, on note actuellement, avec la campagne lancée la semaine dernière, que la police a immobilisé près de 400 véhicules suite à des infractions diverses.
Parmi ces mesures il y a le nouveau redéploiement dont l’objectif est que chaque carrefour soit garni, pour reprendre le terme exact dans le jargon de la police.
Il y a aussi une surveillance continue par des moyens techniques -Caméras de Surveillance, Radars-on en compte 6 pour la ville de Nouakchott, ainsi qu’un système de communication-
Toujours dans le cadre des mesures prises dernièrement pour assurer la fluidité du trafic, on note la création d’une direction centrale chargée de la circulation routière ainsi qu’un Groupement Spécial chargé de la sécurité routière, doté de 4 Compagnies. Toutes ces structures nous dit-on ont été dotées de moyens matériels et techniques de communication et de surveillance.
En effet on note une surveillance directe par les agents sur le terrain qui sont équipés pour la circonstance (caméras mobiles incorporées, en plus d’un système de contrôle permanent couvrant toutes les entrées de la capitale et des axes principaux de la ville. La police dispose également de drones et de moyens de communication.
Aujourd’hui avec le centre de police pour le Commandement et la surveillance, installée à la DGSN, que nous avons eu le privilège de visiter, à l’occasion de ce reportage, la police nationale dispose d’un outil solide lui permettant de surveiller et d’agir sur la circulation routière en temps réel.
Ce moyen technologique de surveillance est déployé au niveau de toutes les directions régionales et des commissariats. Il s’agit d’un réseau autonome qui permet la communication en temps réel entre toutes les unités en place et ce, indépendamment des opérateurs téléphoniques traditionnels.
Interpellé sur l’organisation du travail des agents de la routière au quotidien, le Commissaire a fait état d’une organisation en vigueur 24h/24 avec des groupes qui travaillent par alternance. Mais en cas de crise l’effort est double avec une consignation générale des éléments. Ce plan de travail journalier tient compte du lieu et des circonstances avec une mise à jour régulière du déploiement.
Au sujet du nombre important de véhicules avec une immatriculation étrangère et de véhicules non immatriculés, le Commissaire Abdoullah a assuré que pour les premières qui ne disposent pas de Passe-Avant et pour les autres, elles sont systématiquement immobilisés jusqu’à la régularisation de leur situation.
Quant aux poids lourds, il est prévu dans un futur proche de leur fixer un horaire pour circuler. On s’achemine vers leur orientation vers des routes périphériques.
Pour les Tuks-Tuks, leur circulation a été réglementé et chaque wilaya a sa couleur spécifique. Certaines zones de la ville leur sont interdites (de la cité du Carrefour Smar à Big Market…)
L’usage des motocyclettes aussi a été réglementé, selon notre interlocuteur. Ainsi la moto doit être immatriculée, le propriétaire doit disposer d’un permis, d’une assurance et d’un casque.
Par ailleurs, toutes les motos utilisées dans la livraison sont enregistrés à la DGSN.
A propos des solutions pour faire face aux mendiants et autres laveurs de pare-brises au niveau des carrefours et des feux de signalisation, le directeur de la sécurité routière affirme qu’ils sont régulièrement chassés mais dit-il la police ne peut pas les prendre en charge.
La mendicité et le vagabondage sont bien réprimés par le code pénal mauritanien.
Mais, la solution à ces problèmes est transversale et on doit dit-il impliquer le département chargé des affaires sociales.
La police fait de son mieux. Le principal frein demeure, se plaint-on, la mentalité du citoyen.
Les principaux défis à relever actuellement pour garantir une circulation routière fluide à Nouakchott sont nombreux. D’abord la nécessité du changement mentalité du citoyen. Il y a l’augmentation excessive des véhicules en circulation. Selon une étude du ministère des transports, rien qu’au niveau du Carrefour BMD on compte chaque heure le passage de 6000 voitures.
Autre défi, la duplication des matricules avec par exemple un matricule porté par 5 véhicules différents.
Pour faire face à ce problème on préconise un contrôle strict des plaques minéralogiques qui doivent répondre aux standards internationaux. On insiste aussi sur la nécessité de partager la base de données du parc automobile dont dispose le ministère des transports avec la police nationale.
Cela devrait en effet contribuer à la sécurité publique car selon les études dans plus de 85% des cas de crimes dans le monde il y a un véhicule à la clé.
C’est ce qui explique que la DGSN avec ses partenaires est en train d’explorer la voie pour standardiser les plaques minéralogiques en les alignant aux standards internationaux.
Parmi les défis à relever on a aussi cité la nécessité de régler le problème de l’exigüité des routes.
Un autre défi jugé parmi les plus importants et les plus urgents, la promulgation d’une loi régularisant l’usage des caméras de surveillance, obligeant tous les centres importants (commerce, banques, etc) d’en disposer et de les activer et permettant à la police d’en profiter à chaque fois que le besoin se fait sentir.
En effet aujourd’hui l’usage de la caméra n’est pas réglementé en Mauritanie et cette dernière n’est pas considérée comme une preuve pénale. Cette anomalie devrait être corrigée le plus rapidement possible. Un projet de loi dans ce sens existe.
Ainsi, la police qui est l’un des principaux acteurs de la circulation routière et qui vient de prendre le relais Groupement Général de la Sécurité des Routes (GGSR), en action depuis octobre 2010, déploie de gros efforts pour garantir la fluidité de la circulation. Mais, face à des mentalités néfastes et à des comportements inadmissibles, la sensibilisation et la vulgarisation des bonnes pratiques doivent être l’affaire de tous, les pouvoirs publics, les syndicats, les associations et la société civile doivent contribuer à l’approfondissement de cette prise de conscience qui devrait se consolider davantage avec la campagne générale destinée à combattre les embouteillages dans la ville de Nouakchott, une campagne qui sera lancée le 1er septembre prochain et à laquelle prendront part plusieurs départements ministériels.
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Témoignage :
Mohamed Lamine Ould El Fadhel, activiste de la Société Civile et initiateur de la campagne « Ensemble pour réduire les accidents de la route »
La circulation routière à Nouakchott et en Mauritanie se caractérise par un laisser-aller. Et pour tout celui qui prête attention le matin à la manière de conduire des gens, il a l’impression qu’ils sont tous d’accord pour aller vers un suicide collectif.
Il y en a qui ne s’arrêtent pas aux feux rouges. Il y en a qui, dans toute sa vie n’a jamais attaché la ceinture de sécurité sachant que la ceinture de sécurité est très importante. Mais nous en Mauritanie, avec les voitures modernes qui font du bruit si la ceinture n’est pas attachée, certains la coincent volontairement pour bloquer l’alarme. Et parmi ceux qui sont au volant il y en a qui ont le téléphone à l’oreille. D’autres filent à 100 à l’heure. D’autres stationnent en pleine rue comme ils veulent. Et si tu les apostrophes ils te répondent crânement : est-ce que la route t’appartient ? Et c’est comme si lui-même il l’a hérité et qu’il dispose d’un document attestant qu’il l’a hérité de son père ou de son grand père.
Et vous pouvez voir quelqu’un qui sort des universités les plus prestigieuses et qui a tous les diplômes imaginables glanés dans les instituts européens et qui en approchant du contrôle de police fait semblant de mettre la ceinture et dès qu’il dépasse la police il l’ôte et il est content et croit qu’il a roulé la police alors qu’en réalité il se trompe lui-même. En effet si accident il y aura ce n’est pas le policier ou le gendarme qui en sera la victime mais c’est vous-même.
Voilà qui donne une idée sur l’anarchie de la circulation à Nouakchott et en Mauritanie.
En dehors des taximans, ceux qui conduisent les voitures c’est l’élite. Ce sont les intellectuels, les oulémas, les commerçants, les hommes d’affaires, etc
Et ironie du sort cette élite compte sur des malades mentaux pour réguler la circulation. C’est ainsi qu’au niveau de 3 grands carrefours de Nouakchott on trouve un fou qui organise la circulation pour les membres de cette élite. C’est vraiment surréaliste et cela en dit long sur le problème de la circulation à Nouakchott.
Autre paradoxe à signaler. Nous savons tous que les mauritaniens sont de nature généreux. Le mauritanien est prêt à tout donner sauf la route. Il ne vous donnera jamais la priorité dans la circulation et si vous lui laisser le passage, il ne vous remerciera pas.
Autre remarque. Nous sommes une société qui ne donne aucune importance au temps. Le temps n’est pas important pour nous. On le perd autour d’un thé, dans des palabres, etc
Mais, devant les feux de signalisation nous ne sommes pas prêts à patienter quelques secondes pour avoir le feu vert.
Donc la plupart du temps les embouteillages surviennent, pas parce qu’il y a trop de véhicules mais à cause de comportements bizarres de citoyens. Il y en a qui se gare en pleine route ; un autre qui passe en sens interdit, etc. Et voilà pourquoi il y a embouteillage. Et on perd beaucoup de temps ainsi. On vient en retard au travail. Et même pour les ambulances on ferme la route avec nos comportements bizarres. Si vraiment on conduisait normalement la route sera toujours ouverte.
Et ces comportements néfastes ont même un impact psychologique sur nous tous car dans la circulation nous somme toujours sur nos nerfs à cause des mauvais comportements auxquels on assiste.
Pour moi la solution à ce problème dépend de deux choses. D’abord il faut une application stricte de la loi. Les autorités concernées ne doivent pas transiger sur ce point. Celui qui commet une infraction doit être sanctionné sans ménagement.
Et pourtant c’est possible car notre société n’est pas difficile. Je vous donne un exemple simple. Au cours de l’une de nos campagnes nous avions décoré le policier Cheikh Sarr qui régulait la circulation au niveau du Carrefour situé à côté de la direction de l’environnement. C’était en 2010. Et à l’époque il y avait l’anarchie partout mais quant les conducteurs arrivaient au niveau de ce carrefour où se trouvait ce policier, ils s’organisaient et respectaient le code de la route car ils savaient que c’était un policier intransigeant.
Il arrivait le matin en souriant et restait là toute la journée arborant le même sourire. Il était correct et n’acceptait pas de cadeaux. Et s’il voyait que vous êtes pressés il vous bloquait un long moment et comme ça vous ne recommencerait plus.
Cela pour dire que nous ne sommes pas une société difficile. Donc s’il y a du sérieux dans l’application de la loi ça va marcher.
Deuxièmement il faut beaucoup de sensibilisation pour corriger les mauvais comportements qui constituent un danger pour tous.
Il y a aussi l’occupation de l’espace public par les marchands ambulants qui est une chose grave qui doit être combattu par les autorités. Il y a eu des tentatives dans ce sens et ça a même réussi au niveau de la Polyclinique.
Nous pendant l’une de nos campagnes on avait rendu visite à un jeune qui vendait des cartes téléphoniques au bord de la route. Nous l’avons averti du danger qui le guettait. Et malheureusement une voiture l’a percuté et il est mort.
Deux jours après son décès nous sommes passés au même endroit et nous avons trouvé le frère du jeune homme qui a pris sa place et menai la même activité. Face à notre étonnement, il nous répondit que pour son frère c’était le destin et il s’est mis à nous administrer une leçon religieuse.
Donc il faut beaucoup de sensibilisation et c’est ce que nous faisons au sein de notre initiative.
Vous les journalistes, vous avez un important rôle à jouer dans la sensibilisation et personnellement je suis content de voir que le quotidien national HORIZONS et les autres médias d’état s’intéressent à ce problème.
Source: Quotidien national HORIZONS N°8664 du 26-08-2024