Après un conclave de 3 jours les Comités intergouvernementaux de hauts fonctionnaires et d’experts pour l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, affiliés à la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), ont clôturé leurs travaux aujourd’hui à Accra au Ghana.
Cette réunion conjointe, la seconde du genre regroupant les 2 bureaux régionaux de la CEA a permis à une centaine d’experts de réfléchir sur les 3 problématiques de l’heure retenues cette année, à savoir, la sécurité alimentaire, la transition énergétique et les chaînes de valeurs régionales.
La réunion commune fut l’occasion pour les décideurs politiques et les experts des pays des deux sous-régions de discuter de ces grandes questions considérées aujourd’hui comme les défis les plus pressants en matière de développement durable.
Elle a aussi permis de partager les bonnes pratiques et d’élaborer des solutions orientées vers l’action, que la CEA, ses membres et d’autres entités s’occupant de développement pourront mettre en œuvre.
Ces solutions, ainsi que les résultats des concertations sur les politiques organisées séparément dans les deux sous-régions, seront soumis à la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique, le principal organe délibérant de la CEA, pour examen et discussion.
La dernière journée a été marquée par la présentation, la discussion, l’amendement et l’adoption des recommandations issues des travaux.
Ces recommandations préconisent entre autres d’agir sur les finances publiques en maintenant la stabilité des prix et en réduisant l’inflation ; promouvoir les énergies renouvelables en s’inspirant des bonnes pratiques en la matière ; investir dans les infrastructures hydriques ; avoir des budgets verts ; adopter des politiques fiscales plus souples ; supprimer les subventions pour les hydrocarbures ; réutiliser les eaux usées ; s’orienter vers les nouvelles technologies et l’agriculture intelligente ; mener des projets intégrés alliant sécurité alimentaire et chaînes de valeurs ; inciter les gouvernements à s’impliquer davantage dans le cycle de la transformation économique ; inviter les États membres à mener à bien des plans d’atténuation ; assister les états dans la mise en œuvre de leurs politiques publiques et de la ZLECAf.
Ces recommandations ont pour objectif d’améliorer les performances économiques des États qui ont été profondément affectés par les graves crises qui ont secoué le monde ces dernières années.
Profils économiques de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Ouest
Au cours de la réunion 2 communications ont été présentées à ce sujet, la première concernant le profil sous-régional de l’Afrique du Nord par Amandine Nakumuryango, économiste au Bureau sous-régional de la CEA et la seconde sur le profil sous-régional de l’Afrique de l’Ouest présentée par Fabien Ngendakuriyo, économiste au Bureau sous-régional de la CEA en Afrique de l’Ouest, et Carolina R Coutinho, économiste adjointe de 1ère classe dans le même Bureau.
Ainsi, sur la base des derniers rapports rendus publics, on estime que la croissance économique en Afrique de l’Ouest s’est ralentie, se situant à 3,9 % en 2022, contre 4,4 % en 2021.
Elle devrait encore ralentir pour atteindre 3,8 % en 2023 avant de remonter à 4,2 % en 2024. La croissance économique a diminué dans tous les pays de la sous-région en 2022, sauf à Cabo Verde, en Guinée, au Mali, au Niger et au Togo.
L’impact du conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine sur la demande mondiale et sur les prix de l’énergie, des denrées alimentaires et des engrais a encore dégradé d’importants indicateurs macroéconomiques dans la sous-région, notamment les taux de croissance économique et d’inflation, ainsi que les déficits budgétaires et les soldes des comptes courants, compromettant ainsi une grande partie des progrès réalisés ces dernières années dans le domaine du développement humain.
Les taux d’inflation en Afrique de l’Ouest ont atteint en moyenne 17,0 % en 2022, soit plus que dans toute autre sous-région africaine, contre 12,7 % en 2021. En Afrique du Nord, le taux d’inflation était de 14,5 % en 2022, contre 11,0 % en 2021, l’augmentation étant principalement due à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie dans la sous-région.
Ainsi, en Afrique du Nord le choc a également été bien ressenti. En effet, malgré le fort rebond économique qui a eu lieu dans le secteur pétrolier en Libye, la croissance économique en Afrique du Nord reste faible, surtout si l’on considère la richesse relative et le potentiel économique de la sous-région. Les taux de croissance sont passés de 5,4 % en 2021 à 3,1 % en 2022 en raison d’une contraction rapide de l’activité économique en Libye et de l’impact sur l’agriculture d’une grave sécheresse au Maroc. Les taux de croissance devraient rester modérés en 2023 et 2024, entre 3,3 et 3,4 %. Les économies de la sous-région continuent de se heurter à de redoutables obstacles, notamment l’instabilité politique en Libye, au Soudan et en Tunisie, les retombées continues du conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine et les chocs climatiques. Néanmoins, selon les spécialistes, la sous-région a actuellement une possibilité extraordinaire de promouvoir la diversification économique, en s’éloignant des exportations de matières premières pour devenir un pôle mondial des énergies renouvelables et de la production d’électricité durable.
En Afrique de l’Ouest le tableau est beaucoup moins reluisant. Avec 6 coups d’état perpétrés récemment la région fait face à une crise multidimensionnelle avec l’expansion de l’insécurité qui a conduit à la fermeture de plus de 7000 centres de santé en 2022. Autres indicateurs inquiétants : 29% des jeunes n’ont jamais été à l’école et sont sans emploi ; le tiers de la population est sous le seuil de la pauvreté et vivent avec moins de 2,15 dollars par jour ; 104 millions de personnes sont dans l’extrême pauvreté ; 88% des emplois sont informels soit 13 pays sur 15 qui ont un taux d’emploi vulnérable au dessus de 70% ;7 pays ont un taux d’analphabétisme au dessus de 50% et seuls 2 pays sur 15 ont accès à l’assainissement.
Bakari Guèye/Accra