Editorial : Leçons du scrutin du 13 Mai : Birame sur le carreau

L’analyse des résultats du triple scrutin du 13 Mai rendus public aujourd’hui par la CENI fait ressortir un net recul de l’opposition. Même si le parti au pouvoir a accusé un sacré coup avec la perte de 73 communes dont de grandes villes d’une grande portée symbolique, les partis mythiques de l’opposition traditionnelle ont été définitivement éliminés de la course dès le premier tour. C’est le cas de l’Union des Forces de Progrès (UFP) de Mohamed Ould Mouloud et du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) d’Ahmed Ould Dadah, qui n’ont eu aucun élu au niveau du Parlement. C’est aussi le cas de l’Alliance Populaire Progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir qui demeure cependant en course pour un hypothétique poste de député au second tour.

Ce triste sort était prévisible car cette frange de l’opposition qui a abandonné depuis des lustres les populations à leur triste sort avait opté pour la facilité en se transformant en opposition de communiqués de presse. Elle avait été séduite, amadouée et hypnotisée par le président Ghazouani. Ce ne fut donc nullement une surprise que le coup de grâce lui ait été asséné à l’occasion de ces élections. 

C’est donc une page de l’histoire du pays qui se tourne pour ces grands partis qui furent depuis 1992 le fer de lance de la vie politique et de la lutte contre les pouvoirs successifs.

Recul aussi pour le parti islamiste Tawwassoul qui se retrouve avec 9 députés pour le moment (en ballotage pour 3 autres) au lieu de 14 durant la précédente législature. Le parti est laminé par des querelles intestines et par la transhumance politique de plusieurs de ses cadres qui sont tombés dans les bras du pouvoir.

Mais c’est surtout la chute de popularité du camp de Birame Dah Abeid qui aura le plus retenu l’attention des observateurs.

Se présentant comme une troisième force et très sûr de lui, il se revendiquait comme la foudre de guerre qui allait tout rafler sur son passage.

Entré très tôt en campagne, en précampagne, Birame avait sillonné tout le pays avec tambour et trompette, comme il sait si bien le faire.

Ses déboires avec les notables et les autorités administratives locaux étaient bien amplifiés et exploités à bon escient.

Curieusement, à l’issue de tout ce cirque la moisson fut très faible, voire même catastrophique. Bien vrai qu’au niveau de l’Assemblée il a gagné 2 députés supplémentaires (en ballotage pour un3ème) mais cela s’avère très maigre pour l’homme qui ambitionne de succéder à Ghazouani en 2024.

Dans son village natal de Jidr El Mohguen Biram il n’a pas fait le poids devant le rouleau compresseur du parti INSAF.

A Dar Naim, l’un des ses supposés fiefs il a échoué dans sa tentative de figurer sur la liste du Conseil municipal, totalisant moins de 800 voix dans cette immense circonscription électorale.

Echec cuisant également au niveau de toute la vallée, autre zone sur laquelle Birame avait jeté tout son dévolu et notamment le Trarza avec la Chemama et le Guidimaka, des zones où il s’était beaucoup investi tablant sur le vote des supposés victimes de l’esclavage, son principal cheval de bataille. Dans cette région populeuse il va se contenter de la petite commune de Djougountro, une maigre consolation.   

Des résultats faméliques aussi dans les Hodhs et en Assaba où Birame s’était frotté aux grands notables locaux en remettant en cause l’ordre établi depuis des temps immémoriaux.

En tant qu’observateur du parcours de cet homme qui n’hésite pas à se comparer à Ernesto Che Guevara et à Nelson Mandela, nous ne pouvons que constater cette perte de vitesse qui ressemble à s’y méprendre à une descente aux enfers.

Elle s’explique à notre avis par plusieurs facteurs. D’abord un problème de leadership qui a déjà fait beaucoup de dégâts et qui risque d’être fatal. Il se résume à une centralisation excessive du pouvoir et  des décisions. En effet, tous ceux qui ont à un moment ou un autre été dans le cercle de ses proches ont fait état d’une dérive dictatoriale.

Voilà qui explique en partie l’hémorragie des départs qui coûte cher à l’homme et à son mouvement.

Sa qualité de leader est certes incontestable mais on note une absence de personnalités de poids autour de lui. Cela transparaît d’ailleurs dans les candidatures présentées ça et là et qui sont généralement sans envergure.

Autre handicap et non des moindres, un discours iconoclaste figé constitué de thèmes en décalage avec la réalité quotidienne des populations et partant peu porteur.

Au cours de l’intermède de son mariage de raison avec le pouvoir, Birame avait bénéficié de quelques strapontins, entre autres des dizaines de postes au niveau de l’administration, des postes qui ont été distribués prioritairement aux membres de son cercle familial, à en croire des membres de son état major dont certains ont abandonné la barque en guise de protestation.

Au cours des derniers mois, Birame avait misé sur un énième renvoi en prison afin de booster sa popularité. Mais Ghazouani ne lui a pas fait cette « faveur » malgré ses sorties virulentes et régulières contre le ministre de l’intérieur considéré comme l’homme fort du régime.

Face à cette chute libre de celui qui prédisait un tsunami électoral en faveur de son camp politique l’on n’a le doit de se demander suite à ce fiasco quelles seront ses chances à la prochaine élection présidentielle qui demeure son principal objectif.

Va-t-il se relever de cette débandade électorale ? Rien n’est moins sûr.

En effet Birame est pris à son propre piège. Il s’enferme dans sa tour d’ivoire et fait exactement la même chose que ceux qui dirigent, ceux du pouvoir qu’il est censé combattre.

Ses déplacements réguliers à l’étranger et à Dakar notamment qui fait figure de base arrière, où il possède une villa et où ses enfants sont scolarisés, le classent logiquement parmi la bourgeoisie.

De ce fait, il n’a rien à voir avec le bas peuple, ceux qui vivent dans la fameuse zone d’« avant le Carrefour de Madrid » pour reprendre une expression qui lui est si chère. 

Et, sur ce plan il n’a rien à envier à la nomenklatura qui gouverne le pays et dont les membres vivent au dessus de leurs moyens au frais du contribuable.

Nous serons alors tenté de dire qu’en optant pour ce point de chute à Dakar, Birame se condamne lui-même en ayant privilégié ses intérêts personnels au détriment de ceux de ses concitoyens qu’il aspire à diriger un jour.

Il s’agit là en effet d’un mauvais exemple pour celui qui prétend défendre les intérêts du peuple.

Ce n’est donc pas un hasard si sa côte de popularité dégringole parallèlement à sa crédibilité et à la désaffection des électeurs.

A-t-il atteint son paroxysme ? L’avenir nous le dira. Mais, quoiqu’il en soit cette bérézina suite aux élections générales en dit long sur la mauvaise posture du leader anti-esclavagiste qui est surveillé de près et qui demeure toujours dans le viseur du régime.

Ainsi, la stratégie de « containment » et de diabolisation adoptée à son égard par le pouvoir en place commence à porter ses fruits. Le refus de légalisation de son parti (Le RAG) et sa vassalisation forcée à l’égard du parti  nationaliste arabe SAWAB, étouffent dans l’œuf toutes ses velléités d’indépendance et limitent grandement sa marge de manœuvre.

Bakari Gueye  

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