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Renforcer la confiance dans le système judiciaire

Par Bakari Gueye

Dans un Etat de droit comme la Mauritanie, le système judiciaire constitue un pilier essentiel. En effet, son indépendance est consacrée par la Constitution et par tout un arsenal juridique constitué de textes, le plus souvent vétustes et de conventions internationales ratifiées par les gouvernements successifs.

Ainsi, de l’avis même des spécialistes qui étaient récemment en conclave à Nouakchott à l’occasion des Etats Généraux de la Justice, le système judiciaire national fait face à de grands défis.

Cela a été mis en exergue par un état des lieux peu reluisant.

Les problèmes soulevés vont du déficit de personnel qualifié et des infrastructures en passant par l’inadaptation des textes et l’ancrage de certaines pratiques et autres mauvaises habitudes qui affectent gravement la crédibilité du système.

De ce fait, la question de la confiance du public, des justiciables est entière et l’on se demande quelle légitimité le public accorde-t-il aux tribunaux qui par définition devraient agir conformément au droit, aux valeurs partagées et au strict respect des règles normalement observées en la matière.

En effet comme l’a si bien souligné le juge Ahmed Abdallah Ould El Moustapha, Procureur de la République à Nouakchott Ouest : « Les membres de la société attendent de l’Etat qu’il les protège eux-mêmes et protège leurs biens, et qu’il résolve préventivement toute violation qui aurait lieu, en prévenant la survenance de ce qui les affecte, et en cas de survenance, les auteurs seront arrêtés, tenus pour responsables et jugés dans les plus brefs délais. Les sujets à la violation ne sauraient admettre échec dans cette protection, qui les rend désireux et toujours motivés à prendre le relais quand les autorités tardent à s’acquitter de cette responsabilité, avec les menaces que cela implique en compromettant le contrat communautaire.

D’autre part, ces personnes considèrent que-dans des circonstances  normales-les exigences des procédures administratives de contrôle et de restriction des procédures criminelles et des condamnations judiciaires et représentent une menace pour elles ; bien qu’en pratique, le contrôle administratif constitue le moyen prescrit pour empêcher l’empiètement des individus des droits des uns et des autres, tandis que les procédures pénales représentent l’outil légitime pour arrêter les contrevenants et les traduire en justice, qui est compétente pour prononcer la condamnation et restituer les droits à leurs propriétaires.

C’est le résultat de la recherche constante de la conciliation entre l’État de droit, l’autorité de l’État et la nécessité de l’économie. Faut-il sanctionner afin d’atteindre un système de justice pénale qui tienne compte des préoccupations de sécurité de la société et sécurise les besoins innés des gens ?

La réalisation de cet ordre est pratiquement le but et l’essence de la politique criminelle. »

Des problèmes structurels

« Le détenu reste en prison malgré la fin de sa peine car il doit attendre le retour de congé ou de séminaire du Procureur de la République. » Cette boutade de Me Dramé un des participants aux Etats Généraux de la Justice en dit long sur la profondeur du mal qui gangrène le système judiciaire.

Ainsi au niveau des prisons et des établissements pénitentiaires, les voyants sont au rouge. Selon le magistrat Cheikh Sidi Mohamed Ould Cheina : « L’histoire du contrôle du système pénitentiaire actuellement en vigueur dans notre pays remonte aux années soixante-dix du siècle dernier, puis des changements ont suivi dans la société mauritanienne en raison de l’augmentation de la population dans les grandes villes et de la concentration de la densité dans la capitale, ce qui a conduit à une augmentation de la délinquance et la croissance de la criminalité et donc une augmentation du nombre de détenus. A titre d’exemple, une augmentation régulière de la population carcérale a été enregistrée entre : 2020 et fin novembre 2022, à un taux de 35,76%, passant de 2600 à 3530 détenus, dont 2955 détenus se répartissant comme suit : (Nouakchott 1169, Aleg 278, Nouadhibou 438, et Nbeika 491, soit 83,71%). En raison de la pression sur certaines prisons, il y a cinq prisons qui dépassent leur capacité d’absorption. Par exemple, le taux de surpopulation dans la prison de Dar-Naim est estimé à plus de 334 %, alors que sa capacité est estimée à 350 détenus. En même temps il y a 15 établissements pénitentiaires qui sont bien en deçà de leur capacité, bien que le taux national de confinement à l’intérieur des prisons soit de 95%. Cet état de fait nécessite de réorganiser les détenus en fonction de la capacité des établissements pénitentiaires. »

Et le magistrat d’ajouter : que « Le système pénitentiaire de notre pays compte 20 établissements suivant ce qui est indiqué sur la carte. Il est géré par la Direction chargée des prisons sous l’autorité du Ministre de la Justice et comprend : (10 prisons n’appartenant pas à l’Etat, mais louées à des particuliers) et là il y a 6 prisons centrales, 2 prisons secondaires et 3 établissements rattachés à la prison centrale de Nouakchott, Aleg, Nouadhibou, Bir Oum Grein et Nbeika. Il existe de grandes prisons, tandis que d’autres prisons, de plus petite taille, sont réparties sur le reste du pays. À partir de 2005, des travaux ont commencé pour restaurer un certain nombre de prisons et construire d’autres (Dar-Naim : 2006, Aleg : 2011, Nbeika 2019). En outre, il existe des centres de réinsertion des enfants en conflit avec la loi à Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa (ce dernier n’a pas encore accueilli des détenus) et la maison d’arrêt pour mineurs de Nouakchott. L’état général des bâtiments est qu’il ne répondent pas aux exigences et souffrent de déséquilibres sur plusieurs aspects, tels que les lieux de détention, les installations sanitaires, l’insuffisance et le mauvais état des canalisations, ainsi que le mauvais état des cuisines, des cours, les lieux de travail et les installations de formation des détenus, ainsi que le mauvais état des équipements et la carence des moyens de transport. La surpopulation carcérale est un problème chronique à Nouakchott, Rosso, Néma et Sélibaby, tandis que le nombre de détenus dans les autres prisons du pays est en baisse. »

Il convient d’ajouter à ce tableau la faiblesse de la pension quotidienne du prisonnier qui est de 50 MRU (décret conjoint de 2006). Ce taux n’a d’ailleurs jamais été respecté par les lois successives des finances. C’est en 2022 qu’il a été respecté pour la première fois. Jusque là, ce taux oscillait entre 20 et 30 MRU/Jour.

Plus grave encore aucune prison mauritanienne ne dispose d’un règlement intérieur. Jusque là l’arrêté 153/70 demeure le seul document faisant figure de règlement intérieur.

Au sujet de la surpopulation carcérale une prison comme celle d’Akjoujt dont la capacité ne devrait pas dépasser les 15 personnes est supposée pouvoir en contenir 50.

Les prisons ne sont donc pas aux normes et les techniciens n’ont jamais été associés pour les choix de l’emplacement et de leur construction.

Concernant les textes la situation n’est guère plus claire et des anomalies importantes sont à souligner. C’est ainsi que le code pénal mauritanien, dans sa version actuelle date de 1983. Aucune version en arabe n’a été publiée à ce jour au Journal Officiel.

Il y a également un sérieux problème de conformité entre les deux versions (Arabe et Française). Certains articles sont tout simplement différents. Tel est le cas des articles 281 et 306…dont le contenu n’est pas le même.

Ce code est aujourd’hui périmé à en croire les spécialistes. Seule une centaine d’articles demeurent encore opérationnels. Le reste a été abrogé de facto par de nouvelles dispositions légales (Etat-Civil, Corruption, Code Pénal de l’Enfant…) 

Selon Moctar fall Mohammedou, professeur de droit : « Avant la période coloniale, s’appliquait sur le territoire qui constitue aujourd’hui la Mauritanie les règles pénales découlant de la Sharia. Des cas d’application par des Cadis des sanctions prévues par le droit musulman sont en effet, relatés dans plusieurs endroits du territoire. Pendant la colonisation la France a, par décret du 6 mai 1877 (BAS 1877-143) institué le Code pénal applicable en Afrique Occidentale Française en disposant « les dispositions du code pénal actuellement applicables dans la Métropole, sont rendues applicables dans les Colonies du Sénégal et dépendances.» Ce code pénal est le code pénal de 1810. Dès l’accession à l’indépendance, la Mauritanie a transposé, par mimétisme juridique, la plupart des grands principes du droit criminel de la législation coloniale, dans son arsenal répressif, en adoptant la loi N°72-158 du 31 juillet 1972 instituant un Code pénal, qui avait incontestablement de nombreuses affinités avec le code pénal français de 1810, son ancêtre publié sous le titre code des délits et des peines. Cependant, le besoin d’adapter le droit pénal d’inspiration coloniale aux réalités locales particulièrement à la charia n’a jamais cessé d’habiter le législateur mauritanien. C’est ainsi qu’avec la renaissance de l’Islam et particulièrement de la Sharia qui avait caractérisé l’époque (application de la sharia en Iran, au Soudan, en Lybie etc.….) les pouvoirs publics ont procédé à une importante révision du code pénal. Cette révision a abouti à l’adoption de l’ordonnance n° 83-162 du 9 juillet 1983 portant institution d’un Code Pénal qui consacre le droit pénal musulman. Mais, la révision opérée n’est pas une véritable refonte mais une introduction dans le code pénal de 1972 des principes du droit pénal musulman. Ceci a conduit à la juxtaposition dans un seul code de deux philosophies pénales quelquefois antinomiques. »

Le professeur Fall a ajouté qu’ : « Aujourd’hui, avec la mise en place des Etats généraux de la Justice, il y a un changement d’approche : il est question de procéder à une analyse en profondeur de l’arsenal répressif afin de proposer les réformes qui s’imposent et de combler les lacunes qui se sont révélées après 40 ans d’application du Code Pénal. »

C’est aussi l’avis du juge Ahmed Abdallah Ould El Moustapha qui note que : « Le code pénal mauritanien promulgué par l’Ordonnance légale N°162/83 est ancien. Là où près de 40 ans se sont écoulés depuis son apparition. Au cours de cette période, les mauritaniens ont été témoins de profonds changements affectant tous les aspects de leur vie, culturelle et sociale.

Cette loi qui est l’outil de mise en œuvre de la politique pénale et ses exigences sont porteuses de contradictions extrêmement incohérentes de formulations jurisprudentielles reposant sur le tissage étrange, et avec eux une déformation du droit français de nomenclature n’existant pas, ou n’a plutôt pas d’équivalent dans la réalité locale mauritanienne. Certaines dispositions de cette loi se sont retrouvées avec un statut suspendu, comme le cas de sentences de « HOUDOUD » dont la mise en œuvre a posé un certain nombre de problème liés au maintien en détention des condamnés pendant de longues périodes, sans horizon pour mettre en œuvre les décisions qui leur ont été imposées, et cela a abouti à leur libération avec des garanties, en attendant l’occasion appropriée pour la mise en œuvre. »

A propos de cette dichotomie et de ces contradictions structurelles et des tentatives de réforme du système judiciaire Braham SIDI ABDOULLAH Professeur à l’université de Nouakchott note que: « Historiquement, la justice en Mauritanie est fortement liée au droit musulman, qui est l’unique référent juridique, moral et social par rapport auquel tout problème ou litige est résolu. Les porteurs de ce droit, les jurisconsultes, ne sont pas souvent investis par une autorité étatique qui, par moments historiques, est ou inexistante ou, par son emprise sociale, faible. Ce phénomène est, aujourd’hui, socialement encore bien ancré par le recours à la fetwa ou à un mode de règlement proche de l’arbitrage et de la conciliation. La colonisation a institué son mode de justice tout en maintenant la justice locale en particulier pour le statut personnel. Cette double inspiration marquera la justice en Mauritanie. C’est ainsi que le préambule de la constitution dispose que l’unique source de la loi est la charia et la loi sur l’organisation judiciaire dit que la justice est rendue au nom d’ALLAH, mais il est dit aussi que le magistrat n’est soumis qu’à la loi. Cette double référence se manifeste aussi à travers la double appartenance du corps de la magistrature au droit musulman et au modèle inspiré du droit français. L’homogénéisation ou l’unification du corps, opérée en 1986, n’a pas réussi et la formation d’origine est parfois un handicap pour la maitrise de ce qui n’y relève pas. Mais les dysfonctionnements de la justice ainsi que l’effet que fait jouer la pratique professionnelle (qui dilue les différences de la formation d’origine) ont relégué au second plan ses sources d’inspiration ou l’origine du corps. Cible de tous les regards parce qu’elle impacte tout champ de l’activité humaine, touche les libertés et droits et garant essentiel de l’Etat de droit et des investissements, la justice est souvent indexée. La situation se comprend parce que mal faite, elle n’épargne rien. Plusieurs documents ont été élaborés les décennies passées sur la justice mettant en avant ces insuffisances tout en proposant des remèdes. Certains sont portés sur l’appréciation du travail quotidien des juges et de leurs auxiliaires (mémorandum de l’ordre national des avocats), d’autres (documents 1997, 2000, 2005 et celles des années 80) s’intéressent plus aux conditions et politiques du secteur et ciblées sur les organes et l’environnement juridique.

Une remarque liminaire est de préciser que toute réforme part d’un état des lieux, d’une situation donnée en vue de l’améliorer en agissant sur les organes, les comportements des hommes, les moyens etc. L’impact de la justice fait que sa réforme n’est pas une question qui concerne l’État d’où l’importance de la concertation engagée par les pouvoirs publics pour associer tous les acteurs impliqués dans la définition des problèmes et solutions idoines. Une concertation qui ne doit pas d’ailleurs se limiter à ces journées qui ne pourront, faute de temps et par la diversité et la complexité des thèmes, tout aborder. »

Nécessité de modernisation et de digitalisation de la justice

A l’occasion des Etats Généraux de la Justice cette question a joui d’une attention particulière avec notamment la présentation de l’expérience Emiratie, une présentation de Souleimane Rashid Alka’abi, Président du Tribunal de première instance de Khorfakan.

Dans cet émirat du Golfe en pointe dans ce domaine on a assisté au lancement du gouvernement intelligent depuis 2013. Il s’agit de disponibiliser aux citoyens l’ensemble des prestations à travers le téléphone via des applications.

Ainsi 98% des procès se passent en mode électronique. Des plates formes appropriées couvrent tous les systèmes (plaintes, mariages, documentation, arbitrage des conflits, Parquet Général, certifications, Notaires…)

Au cours de l’atelier sur la digitalisation de la justice à l’occasion de ces Etats Généraux, Mohamed Lemine Ould Salihi est longuement revenu sur le contexte et les objectifs de la transformation numérique qui est un levier essentiel de la réforme de la justice. Connue sous le nom d’e-Justice, cette transformation s’inscrit dans le cadre de stratégies de transformation numérique de l’administration et de stratégies e-Gov. L’e-Justice couvre les différents processus traités par voie électronique dans le système judiciaire, y compris les transactions juridiques électroniques entre les tribunaux et les autorités administratives, les représentants des parties (avocats, notaires, etc.), les citoyens et les entreprises.

La modernisation de l’institution judiciaire vise à atteindre plusieurs objectifs, dont : l’amélioration de l’efficacité de l’administration de la justice (gagner en efficacité opérationnelle, optimiser les temps de traitement, accélérer et simplifier les démarches administratives, etc.) l’amélioration de l’accès à la justice (offrir des espaces dédiés aux citoyens et aux professionnels de la justice, assurer un accès équitable, partager des données et des communications pertinentes, etc.)  Avoir une information fiable en temps réel et faciliter le pilotage et la prise de décision ; Promouvoir l’usage du numérique et réduire la consommation de papier ; Harmoniser et unifier les référentiels communs ; Améliorer les services rendus aux différents usagers (juges, greffiers, auxiliaires de justice, justiciables…) et développer les services en ligne ; Assurer la sécurité des systèmes d’informations, la continuité et la disponibilité des services.

L’atteinte de ces différents objectifs requiert un fort engagement du Ministère de la Justice dans une démarche de refonte du SI en collaboration avec le Ministère de la Transformation Numérique, ainsi que la définition claire d’une stratégie e-justice en alignement avec la stratégie numérique nationale.

L’atteinte des objectifs visés en termes de développement et de modernisation du système judiciaire, est généralement freinée par différentes limites, qui peuvent se traduire en :Infrastructure limitée ; Accès limité à internet ; Faible couverture des réseaux mobiles (4G) ; Équipement en termes d’outils informatiques non mis à niveau ; Hébergement peu sécurisé du système d’information (SI) ; SI existants peu performant, peu scalables et non documentés, ce qui rend leur mise à niveau complexe et nuit à l’alignement avec la stratégie e-Justice ; Multiplicité des bases de données et des registres / référentiels : Problème de fiabilité, qualité et intégrité des données ;Incohérence entre les bases de données ; Perte de données e-Justice ; Complexité de l’interopérabilité ; Manque de ressources compétentes en IT ; Resistance au changement, faible adoption du numérique ; Faible inclusion numérique au niveau des régions.

Il convient de noter que le Ministère de la Justice reste utilisateur de peu d’applications. Les principales applications recensées aujourd’hui sont l’application de gestion du casier judiciaire. Cette application, déployée en 2017, est développée sous C#, Microsoft Access. Elle permet la délivrance de casier judiciaire. L’application de gestion du personnel judiciaire et prisonniers ainsi que la documentation judiciaire : Cette application, déployée en 2019, est développée sous C#, MS SQL Server. Elle permet la gestion et le suivi des dossiers juridiques et les personnels magistrats et greffes.

Quelques recommandations formulées à l’occasion des Etas Généraux

Le diagnostic sans complaisance dressé par les participants aux Etats Généraux de la justice a été sanctionné à la fin des travaux par une batterie de recommandations, 360 au total ; des recommandations qui feront l’objet d’un document national, une feuille de route destinée à réformer le secteur. Ce document sera peaufiné par les experts et présenté au Président de la République qui s’est engagé à sa mise en œuvre.

Les remèdes préconisés seront administrés en fonction de l’urgence et du temps.

Des mesures urgentes s’imposent selon les experts. Parmi les mesures les plus prioritaires et urgentes à entreprendre : éloigner les magistrats et auxiliaires de justice indélicats ; restaurer une confiance en évaluant sans complaisance et de façon impartiale les magistrats ; créer un institut supérieur de formation judiciaire pour les magistrats et auxiliaires de justice et professions juridiques -en attendant établir une formation pratique pour les magistrats et auxiliaires de justice ; équiper et informatiser les tribunaux de Nouakchott et de Nouadhibou ;améliorer l’accueil des justiciables au niveau des tribunaux ; activer la fonction de juge d’application des peines ; faire des séminaires sur la probité et l’éthique professionnelle ; établir un code de déontologie pour les magistrats.

D’autres mesures concernent la fonction de juger. Il s’agira d’accroitre le contrôle des juges afin notamment de concentrer leur rôle dans la motivation des jugements ou ordonnances ; d’assurer l’égalité effective des parties dans la conduite du procès ; de responsabiliser les auxiliaires de justice ; de faciliter l’exécution des décisions judiciaires ; d’établir le lien entre l’avancement et la fonction de juger et promouvoir la poursuite disciplinaire ; donner à chaque juge le pouvoir d’ordonnancer les frais de justice criminelle ; Renforcer le contrôle des auxiliaires de justice et renforcer leurs capacités ; pénaliser l’inexécution des judiciaires y compris contre l’Etat et supprimer la pratique de la main forte.

Dans le domaine des politiques de justice l’accent devrait être mis sur la réforme du droit : Associer les diverses opinions juridiques au travail d’élaboration du droit ; Veiller au caractère ambivalent du droit mauritanien ;  Combler le vide juridique.

Concernant la ressource humaine : Geler le recrutement externe ; Mobiliser une expertise juridique par la voie d’intégration directe ou du détachement judiciaire dans les juridictions importantes ; Ajuster la formation au contentieux ; Adapter le profil à la juridiction ; Instituer un corps d’assistants techniques et juridiques.

Pour les conditions de travail : Renforcer les crédits alloués à l’équipement des juridictions ; Décharger les magistrats de la gestion des crédits ; Automatiser le traitement des dossiers judiciaires et la rédaction des décisions judiciaires ; Renforcer les infrastructures judiciaires.

Au sujet de l’indépendance de la magistrature : Etablir un mode de notation transparent pour les magistrats ; Faire une évaluation et promotion des magistrats fondés sur le travail et le comportement quotidien ; Permettre au magistrat de contester sa notation et sa nomination ; Respecter l’inamovibilité tout en encourageant la mobilité sur des critères transparents ; Renforcer les structures de contrôle pour plus d’efficience.

Et pour renforcer l’accès au droit et à la justice : Investir les différents modes de vulgarisation du droit ; Publier les décisions de la cour suprême et des cours d’appel ; Faire bénéficier l’accès au droit et à la justice aux plus démunis.

S’agissant de l’amélioration des conditions de détention : Adapter les infrastructures carcérales aux normes carcérales ;  l’amélioration des conditions de prise en charge alimentaire, sanitaire, religieuse et sociale : humaniser l’univers carcéral et un contrôle étroit par les autorités judiciaires pour éviter l’arbitraire et revoir son cadre juridique et institutionnel.

La politique pénale doit également être entièrement repensée.

Plusieurs recommandations ont été retenues dans ce sens.

D’abord la révision de la législation pénale, passe par la prise en compte des engagements que la Mauritanie a accepté de tenir en vertu des instruments internationaux et régionaux qu’elle a ratifiés, notamment les instruments relatifs au droit de l’Homme et au droit international humanitaire. Dans ce contexte, force est de rappeler que la Constitution stipule que les conventions ratifiées ont la primauté, dès leur publication au Journal Officiel, sur la législation interne. Les pouvoirs publics doivent donc œuvrer à l’harmonisation des législations nationales avec la Constitution et avec les conventions internationales en rapport avec la lutte contre la criminalité et les droits de l’Homme, ratifiées et publiées. Il y’ a donc lieu à cet effet, d’introduire les règles induites par le droit international notamment les infractions suivantes : La torture ; Le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ; La disparition forcée ; La lutte contre le crime organisé ; Le trafic de migrants ; la discrimination.

Il faut aujourd’hui s’interroger sur la liste des crimes actuelle et l’adapter à la réalité actuelle de la Mauritanie. En l’occurrence, il s’agit de s’ouvrir sur le contexte mondial du 21e siècle, surtout quand on sait que la législation pénale advient et évolue avec l’histoire, la culture et les intérêts de chaque peuple et selon la nature et l’évolution de la notion de crime et la place réservée au droit dans la société.

Par ailleurs, les règles pénales relatives à la propriété intellectuelle doivent être revues. Il s’agira dans ce cadre de protéger de manière efficiente les droits de propriété intellectuelle qui jouent un rôle important dans l’économie des pays. De ce fait les experts ont estimé que la Mauritanie gagnerait à intégrer dans son code pénal le volet pénal pour la propriété intellectuelle, au-delà de ce qui se trouve dans l’accord de Bangui. 

Sur un tout autre plan il y a des problématiques telles que l’atteinte au système de traitement automatisé des données ; la protection de la femme, de la famille et des enfants, à travers la pénalisation notamment des mutilations génitales, du harcèlement sexuel, du trafic d’enfants, de l’entrave au droit à la scolarisation ; l’amélioration de la vie sociale, à la faveur de la protection pénale de toute victime qui dénonce les faits de corruption à l’autorité judiciaire, du délit d’initié, du refus d’exécuter une décision de justice devenue définitive, des filouteries de loyer et de la vente illicite des médicaments ; l’introduction des délits liés à l’utilisation de l’informatique ;

L’Incrimination plus rigoureuse à la diffamation et aux injures dans les réseaux sociaux ; l’introduction des peines alternatives à l’emprisonnement. Il y a aussi la suppression de certaines sanctions. Il pourrait ainsi être envisagé dans une réforme du code pénal la suppression des sanctions suivantes :la peine capitale pour les infractions ne relevant de la sharia ; la peine des « travaux forcés » qui ne se traduit pas dans la pratique par un traitement pénitentiaire spécifique, et ce , en plus du fait que, la notion même de « travaux forcés » a une connotation archaïque qui paraît en porte-à-faux avec les valeurs modernes tendant à la préservation de l’intégrité et de la dignité de la personne humaine.

Telles sont quelques unes des grandes lignes de l’esquisse de la feuille de route adoptée par les participants aux Etats Généraux de la justice qui se sont déroulées à Nouakchott du 05 au 11 janvier. Des recommandations dont l’application par les pouvoirs publics contribuerait à permettre au système judiciaire mauritanien de sortir sa tête de l’eau.

Source : Magazine Mensuel Horizons de l’AMI/N°031/Février 2023

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