Entretien avec Gaye TRAORE, président de Ganbanaxu fedde Entretien avec Gaye TRAORE

Dans cette interview, ondeinfo a donné
l’opportunité à M. Gaye TRAORE, président de Ganbanaxu fedde, de passage à Nouakchott,  d’édifier « les communautés Soninké »  du monde et même au-delà,  sur le combat que mène son mouvement depuis maintenant 5 ans, dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, principalement, – Mauritanie, Mali, Sénégal, Gambie –  à travers la diaspora et les réseaux sociaux.
Ce mouvement réformateur que d’aucuns appellent révolutionnaire s’attaque aux idées iconoclastes et fait de la lutte contre  l’esclavage par ascendance, sous toutes ses manifestations en milieu Soninké, l’une de ses priorités.
Pour Gaye TRAORE, le combat de Ganbanaxu est aussi  une question de défense de droit humain, en harmonie avec les lois de la république Islamique de Mauritanie où l’esclavage est criminalisé.
Ainsi, c’est avec beaucoup de sérénité, de conviction et  d’éloquence que M. TRAORE  s’est prêté à nos questions.

Ondeinfo : Qu’est-ce que Ganbanaxu fedde ? Présentez-nous brièvement, votre mouvement.

Bonjour !  Ganbanaaxu Fedde sous le format forum initié par mes soins étant à l’époque secrétaire général d’Armepes-France (Association des Ressortissants Mauritaniens pour l’Eradication de la Pratique de l’Esclavage et ses Séquelles) créée en 2010, a été lancé le 5 octobre 2016 comme un espace d’échanges et de sensibilisation sur l’application WhatsApp. Aujourd’hui,  c’est une mouvance anti-esclavagiste transnationale à travers l’ensemble communautaire sooninké et au-delà. Il y a plusieurs entités associatives qui la composent sous différentes dénominations d’un pays à l’autre. Côté mauritanien, l’alliance structurelle Ganbanaaxu est composée d’Amees, d’Uvds, d’Armepes-France et de l’association Ganbanaaxu Fedde RIM. Par ailleurs, sous le vocable Ganbanaaxu, il faut y compter une assise ingénieuse d’une composante sociale naissante qui prend corps peu à peu, dont le credo est l’effectivité d’une Fraternité Réelle et d’une Égalité Sociale et citoyenne. 

Le mouvement Ganbanaxu est souvent accusé à tort ou à raison, d’être extrémiste, d’avoir mal posé la question de la lutte contre l’esclavage coutumier. Que répondez-vous ? 

 Je dirais, c’est un mauvais procès dégainé par certains détracteurs de notre Cause humaniste qui font de la fuite en avant. La perfection est de l’ordre du Divin, nous ne sommes extrémistes en rien du tout. Nous avons posé un débat autour d’une problématique très taboue jusque-là ; et les tensions ont surgi par les réactions acerbes venant des milieux réactionnaires dans le déni.

Certains de leurs extrémistes ont constitué de groupes WhatsApp comme « Démocratia-Islamique», « Tunkalenmu mbafade Daxa », « fans donald trump » et d’autres pour se soutenir et en faisant de l’apologie cet esclavage par ascendance et des contre-campagnes anti-reformes dans la société sooninké. Nous avons toujours articulé nos mobilisations militantes autour du droit et des textes constitutionnels dans nos pays. Nous demandons une égalité sociale et citoyenne et refusons les discriminations liées aux coutumes féodalo-esclavagistes. Un projet pareil va heurter mentalités moyenâgeuses qui n’admettent pas une communauté sans les hiérarchies sociales humiliantes.

Quel bilan faites-vous de la lutte contre l’esclavage coutumier, que d’aucuns appellent féodalité en milieu Soninké ? 

L’esclavage par ascendance serait le terme adéquat pour ressortir le fond de la réalité. Le caractère tabou a été dégoupillé à jamais et la prise de conscience massive est irréversible aujourd’hui. Le langage apologétique de l’esclavage n’est plus normalisé comme avant. Et toute la communauté sooninké dans son ensemble est interpellée sur la problématique et il nous faut ensemble définir un cap d’un nouveau Vivre-ensemble selon l’ordre citoyen et l’égale dignité entre tous ses membres. Un défi à toutes les voix progressistes, je rappelle que des réformes sont nécessaires pour un nouveau pacte social en phase avec notre époque.

 L’esclavage est un crime en Mauritanie, quels rapports entretenez-vous avec les autorités Mauritaniennes ? 

Le mouvement Ganbanaxu est-il consulté ou associé à la lutte contre ce fléau ? 

La Mauritanie est bien dotée d’un arsenal juridique concernant cette problématique d’esclavage, je dirais que l’esclavage par ascendance n’est pas bien pris en compte dans sa spécificité. Il en faut davantage à ce niveau pour couvrir avec pertinence les manifestations sociétales de l’esclavage par ascendance ancré socialement dans nos différentes communautés.

Nos contacts restent timides avec les pouvoirs publics et nous continuons notre plaidoyer pour expliciter et exposer le fond sérieux de notre engagement dans le sillage global de la société civile droit-de-lhommiste en Mauritanie.

Au cours de cette année, le discours de Ouadane du président de la République son excellence M. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et celui du président de l’Assemblée Nationale Cheikh Ould Baya indexant les préjugés ou autres stigmatisations liés à une certaine hiérarchisation sociale, nous y avons trouvé de données similaires aux objectifs de notre engagement.

 A l’heure actuelle, n’est-il pas temps que les Soninkés se réconcilient entre eux ?

La paix a un prix, le mouvement Ganbanaxu est-il prêt à négocier, auquel cas à faire des concessions et des compromis ? 

 La paix, la vraie ne se refuse jamais. Nous ne réclamons rien de miraculeux d’ailleurs, il suffit que l’ordre régalien étatique à différents niveaux retrouve sa plénitude et sa rigueur dans nos localités pour tout mettre à l’endroit. Tout ce qui est du domaine public (foncier, l’imamat ou la gestion des mosquées par exemple), c’est à la force publique d’arbitrer fermement avec justice là où il y a litiges. Ce qui est de l’ordre de l’organisation coutumière, la qualité de Citoyen va prévaloir pour nos familles et nos composantes sociales. Ainsi l’autorité publique doit s’appliquer sur nous comme d’autres sans filtres ni intermédiaires d’un régime féodal. Tous égaux en droits, en devoirs et en dignité. 

En tant que président du mouvement Ganbanaxu, vous jouissez d’une grande aura en Mauritanie, au Mali, au Sénégal, en Gambie et ailleurs. Vous êtes souvent en Mauritanie, pour les vacances, mais vous êtes quasi absent sur les médias publics et privés. 

Est-ce un choix de votre part ? 

 Non, ce n’est pas un choix de ma part, je dirai une censure ourdie quelque part peut-être. Mon chargé de communication Koundou Soumaré avait écrit une contribution sur cet élément de constat il y a quelques années. Cet effacement sur l’espace médiatique public serait du fait d’un lobbying anti-Ganbanaxu qui ne dit pas son nom en coulisses. Nous portons un discours d’appel à l’égalité citoyenne et à la dignité humaine, et certains milieux soninkés introduits et influents pro statu quo intra-communautaire, dans certains services ne veulent pas d’une diffusion large d’un pareil discours.

 Du coup, nous nous contentons de nos propres canaux médiatiques accessibles (Réseaux sociaux, sites internet et blogs) pour communiquer avec efficacité d’ailleurs. La présente interview avec  OndeInfo en est une preuve notable. 

Si le mouvement Ganbanaxu était invité à participer au FISO, festival International Soninké, qui se tiendra à Nouakchott, en février 2023, répondra-t- il favorablement à l’invitation ? 

 Notre mouvement ne rejette pas une invitation qui se ferait dans des règles claires et correspondantes aux principes de notre engagement. Ainsi si cette invitation arrivait à l’occasion du FISO annoncé en février prochain à Nouakchott, en toute transparence nous allons apprécier les contours et les conditions, et décider au final la pertinence d’y répondre favorablement ou pas. Pour l’instant donnons le temps au temps, on verra bien le moment venu. 

Si une perspective de réconciliation et de sortie de crise s’offrait aux Soninkos, le mouvement Ganbanaxu a-t-il des points sur lesquels, il reste intransigeant ?

 Au risque de me répéter, je dirais encore si l’autorité publique s’implique sérieusement, nous sommes disposés à discuter et à trouver des solutions de paix et d’entente sociale. Et notre mouvement ne démoderait rien de particulier qui serait contraire aux droits garantis à tout (e) citoyen(ne) par la Constitution de notre pays. Par ailleurs nous n’accepterions jamais une quelconque soumission sociale à un ordre féodalo-esclavagiste. Notre référence suprême sera la loi qui ne reconnaît que le Citoyen comme unité régalienne par essence avant tout autre considération d’ordre coutumier ou autre.

Peut-on considérer Ganbanaaxu Fedde comme une organisation de droits humains ?

Oui, la mouvance Ganbanaaxu Fedde évolue dans le champ de la défense des droits humains. Du côté mauritanien, l’entité associative Ganbanaaxu Fedde Mauritanie dispose de sa reconnaissance officielle il y’a quelques mois et ses objectifs sont clairement énoncés pour le droit. Notre ambition est de l’intégrer dans la société civile droit-de-l’hommiste avec efficience.

  Propos recueillis par Seyré SIDIBE/

Onde Info  

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