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Mauritanie : Décès d’une  femme enceinte : La négligence du corps médical mise en cause

F.D 17 ans résidant dans la banlieue Est de Nouakchott a curieusement rendu l’âme dans l’enceinte de l’hôpital où elle avait été évacuée la veille alors qu’elle était sur le point d’accoucher.

Son enfant non plus n’a pas survécu du fait de la négligence du corps médical à en croire la mère de la jeune fille qui laisse exploser sa colère. La cinquantaine passée maigre, élancé, le visage émacié et visiblement éprouvée par l’émotion et le désespoir, elle porte un doigt accusateur vers l’équipe médicale qui devait assurer la prise en charge de sa fille.

Une mère bouleversée

« Nous sommes arrivés à temps, assure la maman éplorée, mais personne n’était venu pour nous accueillir et nous orienter alors que ma fille souffrait et perdait beaucoup de sang. Quand ils sont venus enfin pour s’occuper d’elle c’était trop tard. Elle décéda peu après. »

Les faits se sont passés cet été au mois d’Avril. Des histoires comme celle de F.D sont malheureusement monnaie courante et l’hôpital « Mère et Enfant » situé au centre de la capitale et censé être la plus grande institution hospitalière spécialisée du pays en matière de soins gynécologiques est régulièrement pointé du doigt.

Des témoignages concordants mettent en cause la lenteur de la prise en charge des femmes venues pour accoucher dans ce centre considéré pourtant comme un exemple.

Une situation alarmante

Or à en croire les spécialistes, le retard de la prise en charge constitue l’un des 3 retards fatals pour la mortalité maternelle en général et en Mauritanie en particulier, pays qui détient l’un des taux les plus élevés au monde soit 424 décès pour 100.000 naissances vivantes, selon les dernières statistiques datant de 2019.

La Mauritanie a cependant réalisé de grands progrès comme le montrent ces chiffres du ministère de la santé :

Mortalité maternelle:

  • 930 en 1996,
  • 747 en 2001, 
  • 686 en 2007
  • 626 en 2011
  • 580 RGPH 2013
  • 424 EDSM 2019

Selon le Dr Mohamed Mahmoud Ely Mahmoud, directeur Général de la Santé Publique :

Dr Mohamed Mahmoud Ely Mahmoud, directeur Général de la Santé Publique

« En Mauritanie, les taux de mortalité maternelle et néonatale, sont encore préoccupants, malgré les efforts fournis ils restent encore très élevés. La difficulté d’accès rapide à des soins obstétricaux d’urgence de qualité à tous les niveaux et les besoins non satisfaits encore élevés sont essentiellement à l’origine de cette situation».

Le Dr Mohamed Mahmoud ajoute que : « L’environnement de la santé de la reproduction, notamment l’accès limité des femmes aux ressources, les obstacles socioculturels et la faible implication des communautés ont aussi une grande part de responsabilité.»

Pour le Dr Mohamed El Kory Boutou, Chargé de la Santé Reproductive au Bureau du FNUAP en Mauritanie :

Dr Mohamed El Kory Boutou, Chargé de la Santé Reproductive au Bureau du FNUAP en Mauritanie

« Il y a la face cachée de l’iceberg car pour une femme qui meurt, il y a  20 à 30 femmes qui se retrouvent avec des séquelles. Le décès maternel est le drame ultime, dit-il, on oublie souvent que d’autres drames surviennent dont la fistule obstétricale.»

De l’avis de Mariam Bassoum, Chargé de programme Sage-femme à l’UNFPA/Mauritanie : « Les trois retards qui favorisent la mortalité maternelle sont les suivants : Retard pris pour décider de consulter les services de santé (Mal information, pesanteurs culturelles, pauvreté …..) ;Retard pris pour arriver à l’établissement de santé (état des routes, éloignement , moyens de transports…) et retard pris pour recevoir un traitement adéquat à l’établissement de santé (mauvaise qualité de soins, équipements, personnels….)

Mariam Bassoum, UNFPA

« De ce fait ajoute Mme Bassoum, la presse a un rôle important à jouer  notamment pour la sensibilisation et la vulgarisation des bonnes pratiques mais aussi de rappeler au gouvernement ses engagements.»

A noter que l’UNFPA est l’un des principaux partenaires de la Mauritanie en matière de Santé Reproductive. Cette institution a mené plusieurs programmes d’appui et autres actions concrètes dont entre autres,  la distribution des kits d’accouchement à 5.000 femmes et à 25 structures de santé pour lutter contre la mortalité maternelle. L’institution a aussi distribué des unités d’échographie dans plusieurs centres de santé à l’intérieur du pays, au Guidimagha, en Assaba dans le cadre du programme CERF.

Œuvrer pour inverser la tendance

Aujourd’hui encore la situation est certes préoccupante mais les autorités mauritaniennes multiplient les efforts et de nouvelles opportunités sont mises à contribution pour renverser la tendance comme le souligne le directeur de la santé publique qui cite une batterie de mesures dont : « L’adoption de la Loi de la SR en 2017 ; de la Stratégie de la SR 2016-2020 et de la la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents (SRMNIA-N) 2020-2030 ;la Stratégie de sécurisation des Produits SR ; la présence des partenaires mobilisés autour de la SMNA ; la mise en place d’un cadre juridique pour la Responsable désigné maintien de navigabilité -RDMN (Arrêté) et intégration  de la santé de la mère et … Périnataux et de la Riposte (SDMPR) dans le guide SMIR et la redynamisation des comités de SDMPR. »

Des équipes formés pour intervenir dans des situations exceptionnelles

Il convient d’ajouter par ailleurs la prise en charge des urgences par l’Etat ; de même que la prise en charge de 55 % de la cotisation des femmes forfaitaires 400 MRU (droit à une prise en charge complète de la grossesse, de l’accouchement quelque soit son mode et du post-partum) ; et enfin la prise en charge du transport médicalisé inter hospitalier.

Ce sont là autant de mesures encourageantes certes mais en Mauritanie on est encore très loin du compte et en attendant l’hécatombe se poursuit.

Bakari Gueye

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