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Professeur Sammy Beban Chumbow : Instrumentaliser les langues africaines pour les rendre compétitives

Le Professeur Sammy Beban Chumbow est Président de l’Assemblée des Académiciens de l’académie africaine des langues (ACALAN).  Chairman, des travaux de l’atelier sur l’harmonisation des systèmes d’écriture des langues Ewé, Songhay et Soninké tenu du 11 au 13 mars 2020 à Ouagadougou, il a prôné « l’instrumentalisation des langues africanises » comme option de promotion de celles-ci dans un monde où le savoir est un enjeu de compétitivité. Entretien

Initiatives News : Qu’est ce que vous entendez par l’instrumentalisation des langues africaines dont vous avez parlé à plusieurs reprises au cours de ce séminaire de Ouagadougou ?

Professeur Sammy Beban Chumbow : Vous savez, nos langues africaines, dans leur majorité, sont des langues essentiellement orales. Dans la mesure où ces langues ne sont pas écrites et n’ont pas de grammaire pour certaines d’entre elles, quand la politique linguistique d’un pays donne à ces langues une fonction nouvelle comme langue d’enseignement à l’école et comme langue de développement, il est important qu’elles puissent assumer ces nouvelles fonctions. Or ces langues ont une certaine déficience puisque  du point de vue lexique, vocabulaire, terminologie elles n’ont pas le mot approprié pour exprimer les nouvelles connaissances, le savoir nouveau en science et en technologie.

Et pour que nos langues puissent jouer leur rôle, nous avons non seulement la responsabilité mais surtout le devoir de les instrumentaliser. C’est-à-dire de leur donner la capacité. Il s’agit donc d’un travail de linguistes, d’experts consistant à créer la terminologie appropriée permettant à nos langues d’exprimer ces connaissances.

Il s’agit de les standardiser, de les développer afin qu’elles assument leurs nouvelles fonctions. Là-dessus, il faut dire que toutes les langues sont passées par là. Il fut un temps où le français ou le francien de l’époque n’était pas connu. C’était une langue à tradition orale. Et dans les occasions officielles, on utilisait le latin.

Les français ont par la suite pris la responsabilité d’instrumentaliser leur langue en lui permettant d’avoir la terminologie et la grammaire standardisée et de jouer une fonction d’intellectualisation. Leur langue a été revalorisée sur les plans politique et économique. Nous devons faire la même chose pour les langues africaines.

Surtout que nous sommes dans l’époque de l’économie du savoir où le savoir détermine le niveau de développement. Nous devons donc permettre à nos peuples de produire le savoir, de se l’approprier et de le disséminer pour être compétitive   dans un monde où le savoir compte.

Panel dirigeant l’atelier de l’harmonisation des orthographes des langues africaines (Ouagadougou, 11-13 mars2020)

Initiatives News : Dans un monde où le savoir compte, comme vous dites. Mais avec  ce que l’on peut appeler le boume informatique des nouvelles technologies, pensez-vous que l’Afrique peut gagner du temps et anticiper les choses pour la réalisation de cette ambition ?

Professeur Sammy Beban Chumbow : Tout-à-fait ! Quand on parle d’instrumentalisation des langues, l’utilisation des TIC est un des aspects à considérer pour l’accès de nos langues aux cyberspaces . De nos jours, toutes les langues qui peuvent servir à quelque chose doivent être en mesure de transmettre et recevoir le savoir à travers l’Internet. Nous avons le devoir, tout en développant nos langues, de penser à la possibilité de les mettre sur Internet, dans les cyberspaces pour qu’elles puissent fonctionner comme les autres.

Ces langues sont capables de faire tout comme le français ou l’anglais. Il suffit qu’on ait la volonté et la possibilité de travailler dans ce sens. Nous les linguistes africains avons la compétence pour le faire. Il suffit que nous soyons accompagnés par une volonté politique réelle et soutenus par des moyens pour le faire.

Professeur Sammy Beban Chumbow : « quand la politique linguistique d’un pays donne à ces langues une fonction nouvelle comme langue d’enseignement à l’école et comme langue de développement, il est important qu’elles puissent assumer ces nouvelles fonctions. »

Initiatives News : Vous aviez parlé des générations futures comme véritable cible de l’entreprise d’harmonisation des systèmes d’écriture des langues africaines. En termes d’enjeu pédagogique, cela voudrait-il dire que les membres des différentes communautés puissent lire les langues les uns et des autres et de les apprendre ainsi ?

Professeur Sammy Beban Chumbow : Effectivement, effectivement ! Il faut dire que les écritures qui existent pour les langues qui ont déjà cette tradition telle que l’éwé qui a été codifiée depuis 1927 par les missionnaires, c’est possible d’avancer mieux. Et comme j’ai eu à le souligner durant l’atelier, il a été constaté que des choses restent à améliorer. Mais la science ayant évolué, o sait maintenant mieux ce qu’il y a à faire pour instrumentaliser les langues africaines et les rendre aptes.

Lire aussi: Harmonisation des systèmes d’écriture Ewe, Songhay et Soninké : Promouvoir les langues transfrontalières comme instrument de paix

Nous avons constaté que certains principes d’orthographes sont dépassés, surannés  et ne peuvent permettre aux jeunes d’apprendre plus vite la langue.  Voilà pourquoi nous avons le devoir de revoir ces systèmes d’écriture de les actualiser et de permettre d’avoir un système beaucoup plus linguistique où il y a une correspondance entre le son et la lettre afin d’éviter à l’apprenant de tâtonner en apprenant à lire les graphèmes, les lettres et les sons. Ceci est un principe cher à ceux qui ont la responsabilité de développer les systèmes d’écriture et de faciliter la lecture en ayant un système beaucoup plus simple, efficace et efficient.

Propos recueillis par Kissima à Ouagadougou, 13 mars 2020

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