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Interview de Souleymane Abdalla, Expert de la CEA : « Mettre ensemble les économies africaines pour que ces pays deviennent une force qui compte dans le concert des Nations. »

Mr Souleymane Abdalla est un fonctionnaire de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA), qui a suivi de près le processus de miseen place de la Zone de Libre Echange Continentale (ZLECA). Nous l’avons rencontré à Assouan (Egypte), à la marge des travaux de la 34ème session du Comité d’experts de la Commission Economique pour l’Afrique. Il nous livre ici ses impressions au sujet de cette question, qui est de la plus haute importance pour tous les pays du continent.

Initiativesnews : La Zone de Libre Echange Continentale (ZLECA) fait couler beaucoup de salives. Pourquoi ?

Souleymane Abdalla : C’est un vieux rêve des pères fondateurs : mettre ensemble les économies africaines pour que ces pays deviennent une force qui compte dans le concert des Nations. Le commerce intra-africain est faible. Il est de 15% seulement ; l’Europe est à 70,5% et l’Amérique Latine (30%). Donc en Afrique le commerce est faible. Il convient de corriger cette anomalie. Peu de commerce porte sur les produits à valeur ajouté et avec l’Europe et le reste du monde ce commerce porte sur les matières premières. C’est la ZLECA qui peut renforcer ce commerce africain. C’est ce qui justifie sa création. Cela a été l’objet de beaucoup de travail. L’objectif c’est de faire 90% du commerce sans droits de douane, en plus de la facilité du commerce car il est difficile de commercer sans infrastructures. Il faut faire des investissements.

Initiativesnews : Où en est-on actuellement ?

Souleymane Abdalla : Le processus a été négocié en un temps record, en trois ans ; le 21 mars 2018 un accord a été signé par 44 Etats membres. Depuis, dix autres pays sont venus se joindre. Il y a un seul pays, l’Erythrée qui n’a pas encore signé. Sur le 54 Etats, 28 ont déposé les instruments de ratification au niveau de l’UA. Techniquement, il en faut 22 pour la ratification. Ce chiffre a été atteint en Avril 2019 et l’accord est entré en vigueur le 30 mai 2019 et il a été formellement lancé au sommet extraordinaire de l’UA du 07 juillet à Niamey.

Initiativesnews : Donc l’accord marquant le démarrage effectif de la ZLECA est entré en vigueur ?

Souleymane Abdalla : Oui, mais le commerce sous le régime de la ZLECA, c’est à partir du 1er juillet 2020.

Initiativesnews : Et qu’est ce que cela veut dire concrètement ?

Souleymane Abdalla : Cela va permettre à deux pays africains de commercer sans tarifs douaniers, sur 90% des produits. Il y a quelques produits sensibles, que chaque pays définira selon sa souveraineté et ses intérêts stratégiques. Du coup, une entreprise installée dans un pays comme la Mauritanie pourra accéder à tous les marchés africains. C’est un marché de 1,2 milliard de consommateurs, avec une classe moyenne qui s’accroit de jour en jour. Et le produit intérieur brut cumulé est de l’ordre de 3000 milliards de dollars américains. C’est un marché énorme et autant d’opportunités d’investissements et d’emplois.

Initiativesnews : Et quels sont les obstacles auxquels pourrait être confronté la ZLECA ?

Souleymane Abdalla : C’est la plus grande zone de libre échange au monde, depuis l’OMC. Donc elle ne peut pas aller sans quelques défis. Les messages créés par nos pays sont clairs. Les chefs d’Etat sont prêts à abandonner une partie de leur souveraineté. Donc le message politique est clair. Mais il s’en suivra un manque à gagner au niveau des recettes, notamment les recettes de porte. Mais ça peut-être compensé par l’accroissement des entreprises qui vont accéder à un plus grand marché. Toutes les opportunités, les créations de valeurs régionales permettront aux Etats de profiter relativement des avantages de cette zone.

Initiativesnews : Comment peut-on estimer qu’un pays est bien préparé ?

Souleymane Abdalla : Il faut que le secteur privé soit au fait de la situation ; il doit être au même niveau d’information car c’est le secteur privé qui fait le commerce. Il doit être la force motrice et l’Etat doit l’accompagner. L’Etat a un rôle à jouer : amélioration du climat des affaires, procédures administratives allégées liées aux importations et il faut les rendre souples et accessibles au privé.

Il y a d’autres défis pour la première phase. La première phase s’est focalisée sur le commerce des biens et services entre pays. La seconde en cours de négociation porte sur les politiques de concurrence, les politiques d’investissement qui vont définir le cadre général d’investissement dans les pays et les droits de propriété intellectuelle. Cela permettra de compléter et de parachever tout le dispositif de la ZLECA. Et pour l’opérationnaliser un Secrétariat Général est en train de se mettre en place au Ghana. Il sera chargé de piloter le processus de la mise en œuvre effective de la ZLECA.

Initiativesnews : Un dernier mot ?

Souleymane Abdalla : Il faut insister pour que les Etats se préparent e préparent leur système productif. Si un Etat ne se prépare pas, ce sont les autres qui vont venir en profiter à sa place. Cela doit d’abord être un marché pour nous, avant les autres. Il faut que les Etats comprennent cette dynamique et s’y préparent en conséquence.

Propos reccueillis à Assouan (Egypte)/

Par Bakari Guèye

 

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