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Tiken Jah Fakoly : les présidents africains devraient s’inspirer de Kagame

Tiken Jah Fakoly avec Rodriguez Katsuva

C’est dans son hôtel, dans la banlieue parisienne, que je rencontre Tiken Jah Fakoly ce mercredi 04 décembre soir. Cette nuit il va se reposer, avant d’aller pour des concerts dont les dates s’étalent jusqu’au 28 décembre. C’était la seule soirée de libre pour lui entre ces dates.

 

C’est un homme grand, avec ses dreadlocks reconnaissables de loin qui nous rejoint dans un coin du salon de l’hôtel. C’était ainsi parti pour deux heures de discussion, qui se sont achevées par l’interview qui va suivre. Tiken s’est adressé aux Congolais, aux Burundais, aux jeunes du Mali et à ceux qui sont tentés par l’immigration. Pour lui, la solution au Mali ne sera que malienne et au Congo la lutte doit continuer. Il pense que les présidents africains, qui sont souvent des pantins, devraient s’inspirer de Paul Kagame pour développer leurs pays et que les migrations étaient une mauvaise idée car l’Afrique est le continent de l’avenir.

Interview avec Rodriguez Katsuva

Rodriguez Katsuva : En RDC, il y a eu une première alternance pacifique du pouvoir, pensez-vous que c’est un achèvement pour les activistes et militants ? Ou il y a encore quelque chose à faire ?

Tiken Jah Fakoli : Je pense qu’il y encore beaucoup à faire. Mais, en même temps, il faut saluer le courage des activistes Congolais. Par exemple Luc Nkulula, que l’on n’oubliera jamais. Mais le combat n’est pas fini. Je pense qu’il faut continuer à rester sur ses gardes, continuer à dénoncer ce qui ne va pas, continuer à se mobiliser et appeler à l’unité. Certes c’est dur à faire, mais c’est uniquement quand tout le peuple sera uni que les dirigeants auront un vrai respect envers eux. Sinon, ils vont continuer à mal gouverner. Le combat doit continuer.

C’est quoi l’idéal pour un militant ? Quand est-ce qu’un activiste peut dire que le combat est fini ?

Tant que le combat n’est pas terminé, je pense que ce n’est qu’à la mort qu’un vrai militant arrête de se battre. Je m’inspire souvent des activistes aux États-Unis. Pour faire tomber les barrages culturels de l’époque. Ou encore en Allemagne, comment des personnes se sont battues pour que le mur de Berlin tombe. Voilà, tant que le combat n’est pas fini, il faut continuer à se battre.

Par rapport au Mali, quel serait votre message aux jeunes, aux dirigeants et à tous les citoyens maliens par rapport à la situation actuelle dans leur pays ?

Je pense que le problème du Mali doit être réglé par les Maliens. Quand un pays est en guerre, on arrête tout et on fait la guerre ! C’est comme ça que, quand la France était en guerre, tout le pays s’était arrêté pour se consacrer à la guerre. Les usines ne fabriquaient plus rien qui ne soit pour la guerre. Mais aujourd’hui, quand on est à Bamako, on ne sent pas que le pays est en difficulté.

Je pense qu’il faut que le Mali mette un accent sur la mobilisation des jeunes, qu’il y ait des financements pour former des jeunes qui voudraient intégrer une armée qui va défendre le pays. Il faut que ces soldats maliens soient bien traités, bien équipés et bien entraînés, parce que les forces étrangères ne sortiront pas le Mali de cette situation. C’est donc quand dans tout le pays, la détermination des jeunes va se faire ressentir, que la majorité des jeunes sera en treillis, armés et prêts à défendre le pays, c’est là que les gens vont se rendre compte que les choses vont changer.

Mais il ne faut pas compter sur les dirigeants. La plupart de nos dirigeants en Afrique ne décident rien. C’est Paris, Washington, Moscou ou Pékin qui décident.

Heureusement que le Mali est doté d’une société civile très forte, c’est une énorme chance. Ce qui veut dire qu’il a une jeunesse éveillée. Maintenant, c’est dur à dire, mais il est temps que les jeunes aillent faire la guerre. Je le répète, quand on est en guerre, tous les projets doivent s’arrêter et on ne doit concentrer les efforts qu’à cette guerre. Quand le pays sera libéré, on aura maintenant le temps pour des projets de développement.

« Quand j’étais petit, il y a 30 ou 40 ans, je voyais des hommes venir du champ, avec du riz sur leurs vélos. Mais je ne le vois plus. J’ai vu cela au Rwanda. »

SI le Mali d’aujourd’hui n’est pas développé par sa jeunesse, il va au moins être libéré par elle. Ainsi, la prochaine génération va pouvoir développer un Mali libéré et qui jouit de l’intégralité de son territoire.

Quelle est votre perception de la situation actuelle au Burundi ?

L’image que nous avons du Burundi est celle d’une dictature. On a vu beaucoup de nos camarades militants des droits humains assassinés, des activistes sont allés en exil parce qu’ils ne voulaient pas le changement de la Constitution. Déjà depuis le temps, j’avais apporté mon soutien aux Burundais à travers une vidéo.

Et le Rwanda ?

Je trouve que le Rwanda est un pays qui est bien dirigé. Un pays qu’on cite en exemple dans la lutte contre la corruption. La propreté des villes est exemplaire, même dans toute l’Afrique. J’ai traversé le Rwanda en allant au Congo, à Goma. J’ai vu aussi le peuple au boulot. J’ai vu des images que je ne vois plus en Côte d’Ivoire.

Quand j’étais petit, il y a 30 ou 40 ans, je voyais des hommes venir du champ, avec du riz sur leurs vélos. Mais je ne le vois plus. J’ai vu cela au Rwanda. Je crois qu’ils doivent avoir moins de problèmes alimentaires. Leur président a été pragmatique, il savait où il allait. Il ne fait pas l’unanimité, et heureusement, cela nous aurait effrayé ! Car dans un pays, il faut des gens qui disent le contraire, des gens qui contrôlent l’action du gouvernement.

Je pense que les dirigeants africains sont en train de chercher des exemples à suivre ailleurs, pourtant ils ont un exemple tout près : le Rwanda ! Les dirigeants n’ont qu’à aller voir comment Kagame fonctionne et s’inspirer de lui. On sait que tout ce qu’est le Rwanda, cela vient de loin. C’est même pour ça que tous les activistes africains, on le laisse tranquille. Le Rwanda est un pays que j’ai vraiment aimé.

Que dites-vous de ces jeunes qui affrontent la mer, au péril de leurs vies, pour rejoindre l’Europe ?

Il faut affronter la situation chez nous. Ils ont des raisons de partir oui. Mais il faut décourager ces départs. Prenez par exemple un jeune Ivoirien qui décide de partir parce qu’il y a la corruption, ou la mauvaise gouvernance, etc. Il travaille en Europe et, vingt ans après, veut rentrer investir dans son pays natal. Il trouvera les mêmes problèmes sur place. Donc, pour moi il faut rester, se battre pour changer les choses.

« Si Charles De Gaulle était resté dans son hôtel à Londres, on parlerait allemand ici en France. Ils sont venus de quelque part. Nous le pouvons aussi. »

Je me suis toujours dit, que seraient nos nations si nos ancêtres étaient aussi partis ? À l’époque, il suffisait d’une simple autorisation pour partir. Mais ils sont restés, se sont battus pour nos indépendances. Maintenant, que faisons-nous de cet héritage ?

Je dis donc, ils ont le droit de partir, mais ne le devraient pas.

Quand on prend un avion pour n’importe quelle destination en Afrique, on y rencontre de tas d’investisseurs blancs. S’ils viennent autant, c’est parce que ça sent bon chez nous. C’est parce qu’il y a des opportunités. Alors on devrait être les premiers à se servir de ce que peuvent offrir nos pays. Tout le monde sait aujourd’hui, à part les Africains, que l’Afrique est le continent de l’avenir.

Quand je vois d’où viennent ces pays, par exemple la France, je me dis que rien ne pourrait nous empêcher de faire pareil. Ils nous ont certes pillés, ils nous ont volés. Mais il y a quelques années la France était un pays de paysans, qui tiraient des charrettes. Ils sont venus de quelque part. Si Charles De Gaulle était resté dans son hôtel à Londres, on parlerait allemand ici en France. Ils sont venus de quelque part. Nous le pouvons aussi.

source : https://habarirdc.net/

07/12/2019

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