Mme Lilia Hachem Naas, est la Directrice du Bureau sous régionalAfrique du Nord de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA).Elle nous a accordé cette interview en marge des travaux de la 34ème réunion du Comité intergouvernemental des hauts fonctionnaires et experts pour l’Afrique du Nord qui se tient à Assouan en Egypte du 25 au 28 novembre 2019.
INITIATIVES NEWS:Pouvez-vous nous édifier sur la mission du Bureau Régional de Commission Economique pour l’Afrique (CEA) en Afrique du Nord ?
LILIA HACHEM NAAS: Le Bureau sous régionalAfrique du Nord de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) est l’un des cinq bureaux régionaux existants. Sa mission c’est de travailler avec les gouvernements et institutions clés des pays membres pour le développement économique et social de ces pays ; un développement inclusif et durable.
Il a trois fonctions : premièrement, le rassemblement, comme ce qui se passe actuellement avec cette réunion qui a pour objectif de réunir tous les partenaires pour discuter de problématiques et identifier des solutions ; deuxièmement, la fonction think-thank, qui consiste à faire des analyses pour approfondir les problématiques et les thématiques et identifier les difficultés pour proposer de nouvelles initiatives.
La troisième fonction, c’est la fonction conseil. Il s’agit de travailler directement avec les institutions de chaque pays et fournir des services de conseils ciblés, une assistance technique.
INITIATIVES NEWS:Qu’est-ce que ce bureau a réalisé concrètement depuis sa mise en place?
LILIA HACHEM NAAS:La Commission économique pour l’Afrique a été créée en 1958 et son Bureau pour l’Afrique du Nord en 1963. Nous conseillons nos pays membres (Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Mauritanie, Soudan et Tunisie) et leur montrons comment assurer un meilleur développement. Ces deux dernières années, nous avons travaillé avec les pays sur les modèles macro-économiques de la Mauritanie, l’Algérie, l’Egypte et du Soudan, une expérience qui sera généralisée à tous nos autres pays. Nous avons aussi beaucoup travaillé avec la ZLECA, pour la diffusion de l’information et la sensibilisation pour le développement de stratégies nationales pour l’opérationnalisation de la ZLECA. Nous avons également travaillé sur les ODD, la comptabilité nationale et la complémentarité entre les pays en vue d’encourager la collaboration et l’intégration entre eux.
INITIATIVES NEWS: Qu’est ce qui justifie le choix du thème de la présente session ?
LILIA HACHEM NAAS:En 2018, dans le cadre de la restructuration de la CEA, chacun de ses Bureaux sous-régionaux a choisi un domaine de spécialisation. Au Bureau pour l’Afrique du Nord, le thème que nous avons choisi est : « Emploi, compétences et développement durable ». Nous avons choisi ce thème car le problème le plus critique en Afrique du Nord, est la création d’emplois. Ces pays ont pu relever plusieurs défis (éducation, santé et services de base). Ils figurent parmi les 20 premièreséconomies africaines. Ce sont des pays à revenu moyen élevé, à l’exception de la Mauritanie et du Soudan. Mais malgré cela, ces pays n’arrivent pas à satisfaire la demande d’emploi qui arrive chaque année sur le marché. C’est là un paradoxe, qui signifie qu’il y a quelque chose qu’on pourrait apprendre de l’Afrique du Nord, pour ensuite le dissémineraux autres pays du continent. En mai 2019, la ZLECA est entrée en application,mais les pays de l’Afrique du Nord sont les moins intégrés d’Afrique.
INITIATIVES NEWS:Quel est l’état actuel des échanges commerciaux entre les pays de l’Afrique du Nord?
LILIA HACHEM NAAS: Ces échanges ne représentent que 3%. C’est minime. Certains pays exportent des intrants ou des produits semi-finis comme par exemple le coton dans le cas de l’Egypte ou les câbles électriques pour la Tunisie et le Maroc, mais ces échanges restent très faibles.
INITIATIVES NEWS: Pensez-vous que l’intégration de la sous-région sera possible, avec les divergences politiques qui existent entre ces pays, ou du moins entre certains d’entre eux ?
LILIA HACHEM NAAS:L’intégration ne va réussir que s’il y a une réelle volonté politique. Il existe actuellement des échanges entre des pays comme la Tunisie et l’Algérie, l’Egypte et la Libye, ou entre l’Egypte, la Libye et le Maroc. On doit renforcer et construire ce qui marche en vue de créer une dynamique. Faire en sorte que le secteur privé soit un outil de pression. Il faut capitaliser sur ce qui marche. C’est un peu ce qu’on essaie de faire.
INITIATIVES NEWS: Comment peut-on envisager la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) alors que l’intégration sous-régionale elle-même a du mal à se faire ?
LILIA HACHEM NAAS: La ZLECA est entrée en vigueur. L’Afrique du Nord doit monter dès maintenant dans ce train qui est en marche. Si les pays de l’Afrique du Nord s’alignent ensemble, c’est tant mieux, sinon ils vont y aller chacun tout seul et ce ne sera pas aussi bénéfique pour eux.
Propos recueillis Par BakariGuèye à Assouan (Egypte)